Sept hommes pris en flagrant délit après avoir agressé quatre migrants à Loon-plage (Nord): pour la première fois, la police a pu mettre la main sur des personnes commettant des violences sur des clandestins, dans un contexte tendu
Depuis l’été, des mystérieuses agressions ont souvent été signalées, certaines associations évoquant même l’existence de “milices”, voire de “ratonnades”. Les plaintes étaient rares cependant, les migrants rechignant souvent à se rendre au commissariat par crainte d’être repérés, par absence de papiers d’identité, ou du simple fait qu’ils finissaient par disparaître en réussissant à gagner l’Angleterre.
Mais dans la nuit de mercredi à jeudi, des fonctionnaires de la police judiciaire sont parvenus à surprendre sept hommes, âgés de 24 à 44 ans, pour certains originaires du Pas-de-Calais, auteurs d’agressions sur quatre Kurdes irakiens, les blessant légèrement, selon le parquet de Dunkerque. Il s’agit de la première annonce publique de ce type.
“Ils sont en garde à vue depuis 01H00 du matin et sont en cours d’audition”, a indiqué Eric Fouard, procureur de la République de Dunkerque.
Détail qui retient l’attention: l’agression a eu lieu à Loon-plage, le terminal du port de Dunkerque, où les migrants, venus principalement du camp tout proche de Grande-Synthe, stationnent habituellement la nuit pour grimper dans des camions empruntant ensuite les ferries pour la Grande-Bretagne, et non à Calais ou ses environs, à une trentaine de km, où la plupart des actes de violence signalés auraient eu lieu. “C’est la première fois que j’ai un acte similaire sur mon ressort”, a d’ailleurs souligné M. Fouard.
En l’état des investigations, “je ne sais pas si ces personnes sont celles qui se sont déjà livrées à des exactions à Calais ou ailleurs”, a-t-il aussi expliqué à l’AFP.
– ‘Barres de fer’ –
En octobre, le parquet de Boulogne-sur-Mer, dont dépend Calais, avait ouvert une enquête préliminaire, confiée à la police judiciaire de Lille, à la suite d’actes d’agressions “répétés” à l’encontre de migrants dans le Calaisis.
Alors que certains médias accusaient la justice et la police de “laxisme” dans ce dossier, le parquet de Boulogne-sur-Mer avait rappelé que les enquêtes étaient “longues et difficiles”, les agressions se déroulant souvent la nuit, dans des lieux sans vidéo-surveillance, avec des témoignages “pas forcément fiables”, avait indiqué Jean-Pierre Valensi, procureur de Boulogne-sur-Mer, à l’AFP.
Plus récemment, une information judiciaire a été ouverte début février pour l’agression avec arme de trois Syriens dans la nuit du 20 au 21 janvier à Calais, où se trouve la “Jungle”, un bidonville regroupant entre 3.700 et 4.500 migrants selon les sources.
D’après Isabelle Bruand, coordinatrice régionale de Médecins du monde (MDM), il y a une “recrudescence” des agressions sur des migrants depuis le début de l’année. “Ce sont des dizaines de personnes qui ont été tabassées à Calais avec notamment des barres de fer, provoquant plusieurs fractures”.
“Ces faits ne sont pas nouveaux, ils avaient déjà eu lieu l’été dernier et en septembre, mais là, cela se produit de manière plus régulière”, a-t-elle ajouté.
Marianne Humbersot, chef de mission au centre juridique informel de la “Jungle”, fait elle état d’une “cinquantaine de personnes venues se plaindre de violences depuis janvier”, qui seraient notamment l’oeuvre de “milices cagoulées et surarmées”.
Ces arrestations surviennent dans un climat extrêmement tendu sur le dossier des migrants dans le nord de la France. A Calais, mi-janvier, une manifestation pro-migrants, suivie d’une contre-manif le lendemain, avait dégénéré avec la montée sauvage de migrants à bord d’un ferry. Samedi, une manifestation hostile aux clandestins et interdite par les autorités avait attiré entre 100 et 150 personnes, entraînant l’arrestation de vingt personnes, dont un général quatre étoiles.
Et dans le camp de Grande-Synthe, un homme a été blessé par balles mercredi soir. Le 26 janvier, quatre migrants avaient également été blessés lors d’une rixe entre bandes rivales de passeurs.