Un photojournaliste condamné en appel à dix ans de prison, un activiste en grève de la faim et sa fille arrêtée: le royaume de Bahreïn continue à ressentir les secousses des troubles de 2011 contre le régime sunnite, contesté par la majorité chiite.
Bahreïn, petit royaume du Golfe dirigé par la dynastie des Al-Khalifa, est secoué depuis février 2011 par un mouvement de contestation animé par les chiites qui réclament une monarchie constitutionnelle.
Dimanche, une Cour d’appel de Manama a confirmé la condamnation à 10 ans de prison du photojournaliste chiite Ahmed Humaidan, jugé pour implication dans une attaque contre la police le 8 avril 2012, selon une source judiciaire.
La confirmation du jugement est intervenue en dépit d’appels pressants d’organisations de défense de la liberté de la presse, dont Reporters sans frontières et le Comité pour la protection des journalistes, qui demandaient une annulation de la peine prononcée le 26 mars contre le photographe.
Ahmed Humaidan, 25 ans, présent à la barre, était poursuivi pour une attaque contre le commissariat de police de Sitra, village chiite proche de Manama. Selon les autorités, une partie du commissariat avait été incendiée et un agent blessé.
Les avocats de la défense ont plaidé l’innocence de leur client, l’un d’eux affirmant qu’il n’y avait “aucune preuve contre lui sur les accusations formulées, d’autant que lui-même n’a pas reconnu ces actes”.
Le photojournaliste faisait partie d’un groupe de 32 chiites jugés pour la même affaire. Lors du procès en première instance, ouvert le 12 février 2013, 26 accusés dont M. Humaidan avaient été condamnés à dix ans de prison chacun et trois autres avaient écopé de trois ans de détention. Trois prévenus avaient été acquittés faute de preuves.
Comme celle de M. Humaidan, les peines de ses 28 co-accusés ont été confirmées en appel, selon une source judiciaire.
Le pouvoir a alourdi l’an dernier les peines pour les auteurs de violences et introduit la peine de mort ou la prison à perpétuité en cas de morts ou de blessés, mais des manifestations sporadiques se poursuivent en dépit de la répression.
– Grève de la faim –
Au cours du week-end, l’avocat de l’opposant chiite Abdel Hadi al-Khawaja, condamné à la prison à vie pour complot contre le régime, a indiqué que son client observait depuis le 25 août une nouvelle grève de la faim, et que sa fille Maryam qui souhaitait lui rendre visite avait été arrêtée à son retour de l’étranger.
Les autorités ont fait savoir qu’elles suivaient de près la situation.
“Depuis le début de sa grève de la faim, il a reçu la visite d’un médecin à 17 reprises”, a affirmé le service des plaintes du public au ministère de l’Intérieur. Il “a informé l’administration pénitentiaire qu’il menait sa grève pour réclamer sa libération”.
Cet opposant de 54 ans, également détenteur de la nationalité danoise, avait déjà observé en 2012 une première grève de la faim de 110 jours pour protester contre sa condamnation à la perpétuité. Son état de santé s’était alors sérieusement détérioré et il avait reçu le soutien de nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme qui le considèrent comme un “prisonnier d’opinion”.
Selon son avocat, sa fille Maryam qui souhaitait lui rendre visite a été arrêtée samedi à l’aéroport de Bahreïn à son retour de l’étranger.
Maryam al-Khawaja, aussi opposée au régime, est co-directrice du Gulf Center for Human Rights qui a des bureaux à Beyrouth et Copenhague. A son arrivée à l’aéroport de Bahreïn, on lui a signifié qu’elle avait été “déchu de sa nationalité bahreïnie”, selon Me Mohamed al-Jishi, qui défend le père et la fille.
Les autorités ont fini par lui accorder un visa sur son passeport danois, avant de l’accuser de “violences sur des policières” à l’aéroport et d’ordonner sa détention “pendant sept jours pour les besoins de l’enquête”.