La décision de construire le barrage contesté de Sivens dans le Tarn, où les opposants organisent dans l’après-midi une marche de recueillement en mémoire de Rémi Fraisse, a relevé d’une “erreur d’appréciation”, a estimé dimanche la ministre de l’Écologie Ségolène Royal.
“Il y a eu manifestement une erreur d’appréciation”, a déclaré la ministre lors du Grand Rendez-vous La Monde/i Télé/Europe 1, au lendemain de manifestations en hommage à Rémi Fraisse qui ont dégénéré à Nantes et Toulouse (une dizaine de blessés et une trentaine d’interpellations).
“La durée de la réalisation, d’obtention d’autorisations, des délais, est beaucoup trop longue sur ce type d’équipement, ce qui fait qu’au moment où les travaux commencent, souvent les ouvrages sont périmés”, a-t-elle expliqué. “Aujourd’hui, une décision de construction d’un ouvrage tel que celui-ci ne serait plus possible”, a assuré Mme Royal.
Interrogée sur un possible arrêt du projet, Ségolène Royal a dit ne pas vouloir “se substituer” au Conseil général du Tarn, maître d’ouvrage, mais la ministre a rappelé qu’elle recevrait les élus mardi à Paris pour “trouver des solutions”.
A Lisle-sur-Tarn, près de Gaillac, le projet vise à créer une modeste retenue d’eau de 1,5 million de mètres cubes – pour un coût d’investissement de 8,4 millions d’euros – afin de sécuriser l’irrigation des cultures.
Les opposants dénoncent depuis plusieurs années un projet “mal ficelé” du Conseil général du Tarn qui selon eux n’a pas étudié les alternatives possibles, moins dommageables pour l’environnement.
– Marche ‘en silence’ –
La ministre s’exprimait quelques heures avant une “marche de recueillement” organisée par les opposants sur le site à 14H00 en mémoire de Rémi Fraisse, ce manifestant de 21 ans mort il y a une semaine, jour pour jour, dans l’explosion d’une grenade offensive lancée par les gendarmes, selon les premiers résultats de l’enquête
Les participants prévoient de retracer le parcours emprunté dans la nuit du 25 au 26 octobre par Rémi et d’organiser un sit-in à l’endroit où il est mort, “en silence, sans slogan ni banderoles”. Des arbres y seront plantés et les fleurs déposées.
Un autre rassemblement est prévu en milieu d’après-midi sur le Champs-de-Mars à Paris à l’appel notamment de l’ONG France Nature Environnement.
Samedi 25 octobre, Rémi Fraisse était venu “un peu en touriste”, selon son père, participer avec sa copine à un rassemblement de plus de 2.000 personnes contre le projet. Le jeune homme s’était déplacé dans la soirée à une extrémité du site et s’était joint à un groupe d’environ 150 opposants virulents qui affrontaient les quelque 70 gendarmes mobiles postés pour garder l’aire de stockage réservée au chantier.
Au milieu de la nuit, son corps inanimé avait été récupéré par les gendarmes.
– Violents affrontements –
Le décès du jeune manifestant a transformé la contestation au barrage, qui sème localement la discorde depuis 2011, en une affaire nationale.
A l’opposition initiale contre un projet “surdimensionné” et “coûteux” est venue se greffer une colère contre “les violences policières”. En témoigne le slogan “Flics, porcs, assassins” entendu samedi dans des rassemblements à Nantes et à Toulouse qui ont dégénéré en violents affrontements avec les forces de l’ordre.
Dans les deux villes, des groupes radicaux -minoritaires- prônant la violence comme mode d’action se sont mêlés aux cortèges avec visiblement la ferme intention d’en découdre avec les forces de l’ordre.
A Nantes, de nombreux opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes ont pris part au rassemblement lancé à l’appel des mouvances radicales anti-capitalistes.
Ces débordements ont donné lieu à 21 interpellations à Nantes et 13 à Toulouse au terme de plusieurs heures d’échauffourées et de heurts, les forces de l’ordre répondant par des grenades lacrymogènes et assourdissantes aux jets de pavés, de fusées de détresse et même de bouteilles remplies d’acide à Nantes.
Le tout sous le regard médusé de badauds vaquant à leurs occupations d’un samedi de vacances scolaires, parfois pris au piège comme à Toulouse d’échauffourées qui se sont déplacées rapidement en plusieurs points de la ville.
Le Premier ministre Manuel Valls a condamné “avec fermeté” ces violences, les qualifiant d'”insulte à la mémoire de Rémi Fraisse” tandis que le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a réprouvé des “exactions” et des “débordements inacceptables”. Le coprésident du groupe écologiste à l’Assemblée, François de Rugy, député de Loire-Atlantique, a aussi condamné “avec la plus grande fermeté” des violences qui “salissent la mémoire de Rémi Fraisse”.