L’armée ukrainienne a emmené une vingtaine de journalistes étrangers visiter la ligne de front dans l’est de l’Ukraine.
Afin de séduire et contrer la puissante machine médiatique russe, Kiev a organisé “un voyage de presse” afin donner à la presse étrangère sa version du conflit qui oppose l’Ukraine aux séparatistes pro-russes.
Une vingtaine de journalistes étrangers vêtus de gilet pare-balle étaient ainsi invités pour visiter la ligne de front dans l’est de l’Ukraine à bord d’un véhicule blindé. Une première pour l’armée ukrainienne depuis le lancement en avril de son “opération antiterroriste” dans l’Est séparatiste prorusse qui a fait plus de 4.700 morts.
Les journalistes couvrant le conflit dans l’Est estiment en effet qu’il est souvent plus facile de travailler avec les rebelles prorusses et se plaignent de l’impossibilité d’interroger des responsables sur place et de l’hostilité des soldats ukrainiens.
Les contrôles des papiers sur certains points de contrôle durent des heures et les journalistes se voient souvent refoulés. Très critiqués, le ministère de la Défense et les services de sécurité expliquent ces restrictions par des “raisons de sécurité” mais promettent de faciliter l’accès à la zone du conflit.
“Nous essayons d’être ouverts pour les journalistes dans la mesure du possible pour que les gens sachent ce qu’il se passe dans la zone” de l’opération militaire, a déclaré le ministre de la Défense Stepan Poltorak avant le voyage.
Le colonel ukrainien Serguiï Galouchko qui accompagne les journalistes protégés comme il se doit leur demande de ne pas s’écarter de la route jonchée d’engins explosifs artisanaux. Après une visite rapide de Kramatorsk, capitale temporaire du territoire sous contrôle de Kiev dans la région de Donetsk et de Slaviansk, ancien bastion séparatiste repris par l’armée en été, le cortège escorté de deux blindés et d’une ambulance se dirige vers la ligne de front.
Le convoi arrive alors à Debaltseve, ville stratégique sur la route entre les capitales rebelles de Donetsk et de Lougansk et l’un des points chauds du conflit malgré la trêve. Contrairement à l’aéroport de Donetsk, théâtre de combats depuis plusieurs mois entre l’armée et les séparatistes prorusses et vers lequel tous les regards sont tournés, de nombreuses localités comme celle-ci restent dans l’anonymat.
“La situation est sous contrôle”, rassure Olexandre Krasnook en charge du secteur de Debaltseve qui explique que ses soldats “ont subi 341 attaques entre le 18 novembre et le 22 décembre”. Selon lui, “pour préserver leur vie, les militaires ukrainiens ont été contraints de riposter”.
L’un des barrages ukrainiens aux abords de Debaltseve est à 200 mètres des positions rebelles. Depuis l’instauration d’un nouveau cessez-le-feu le 9 décembre, il a été l’objet de tirs à douze reprises, raconte le commandant du secteur Olexandre Krasnook.
Pour l’experte ukrainienne des médias, Natalia Ligatcheva, les voyages dans la zone de combat sont “utiles” mais insuffisants pour contrer la guerre médiatique menée contre l’Ukraine par la Russie. “L’Ukraine perd la guerre médiatique parce qu’elle n’y a pas été préparée et n’a pas réfléchi à des contre-mesures”, explique-t-elle. Pour elle, il faudrait que les autorités laissent les chaînes anglophones se développer mais surtout que les journalistes puissent couvrir la guerre de façon indépendante.