Vous aimez prendre du thon rouge au restaurant ? Dans la plupart des cas, le plat qu’on vous sert n’en contient pas. En tout cas si vous vivez à Bruxelles.
Dans la capitale belge, environ un tiers du poisson servi (32%) ne correspond pas à l’espèce affichée, selon une étude de l’ONG Oceana, qui lutte pour la protection des océans. La fraude concerne même la cantine de la Commission européenne, révèle l’enquête publiée mardi 3 novembre.
La triche la plus répandue concerne le thon, le cabillaud et la sole. Dans 95% des cas, le thon rouge est remplacé par du thon albacore, plus commun et moins cher, ou par du thon obèse, “pourtant surexploité”, précise Oceana. Concernant le cabillaud ou la sole, ils sont souvent remplacés par du pangasius, un poisson-chat du delta du Mekong. La différence de prix entre le poisson affiché au menu et celui réellement servi peut monter jusqu’à 40%. Les plus mauvais élèves sont les bars à sushis, avec 54% de fraude.
L’association, en collaboration avec l’Université catholique de Louvain, a réalisé des tests ADN sur cinq espèces au cours de 280 repas, servis dans 150 restaurants et dans les cantines de la Commission européenne et du Parlement. Résultat : au lieu de cinq espèces, Oceana en a identifié 36 différentes. “Nous n’essayons pas de donner une preuve statistique mais de pointer le doigt sur quelque chose qui va de travers”, souligne le directeur exécutif d’Oceana Lasse Gustavsson.
Pire, l’étiquetage trompeur des poissons se retrouve jusque dans les cantines de l’UE. 38% des poissons testés à la Commission et au Parlement ne correspondent pas. Pourtant, ça n’est pas une question d’économies : “C’est le chaos total. Ils remplacent du poisson bon marché par des espèces plus chères”, comme du cabillaud au lieu du merlu, souligne Lasse Gustavsson.
“Il existe un nombre d’études assez important aux Royaume-Uni, en Italie, en Grèce et en Espagne qui montre que la fraude est généralisée”, explique Nicolas Fournier, spécialiste des questions européennes chez Oceana, interrogé ce mercredi par France Info. En France, “la fraude est moins importante car les règles d’étiquetage sont beaucoup plus strictes”, rassure-t-il. Dans l’Hexagone, les surgelés et les plats préparés sont totalement fidèles aux étiquettes. La triche se concentre sur les poissons frais. 4% des filets vendus dans les supermarchés français et 8% de ceux des poissonneries ne correspondent pas, selon une enquête de l’ONG publiée en février 2014.
Grossistes, poissonniers, restaurateurs, qui est à blâmer ? Oceana n’a pas enquêté sur le maillon de la chaîne de distribution défaillant. Mais cette étude vise à attirer l’attention des consommateurs et des régulateurs. “Les dirigeants européens doivent s’assurer que les poissons sont bien étiquetés et étendre” les renseignements à préciser, demande l’association. “Un océan bien géré peut nourrir jusqu’à un milliard de personnes”, estime Lasse Gustavsson, rappelant que près de 50% des stocks sont surexploités dans l’Atlantique Nord, et plus de 90% en Méditerranée.