Selon le “Guardian”, un directeur de l’ONU a été suspendu pour avoir transmis aux autorités françaises un rapport confidentiel sur ces viols.
Un rapport confidentiel dénonce les abus sexuels commis sur des enfants par des soldats de la Minusca à Bangui. © Herve Cyriaque Serefio / ANADOLU AGENCY
Anders Kompass dirigeait encore il y a quelques jours à l’ONU une table ronde sur la question de la Palestine. Le directeur des opérations sur le terrain au sein du Haut-Commissariat aux Droits de l’homme vient d’être suspendu par les Nations unies, nous apprend le mercredi 29 avril un article du quotidien britannique The Guardian. Son crime : avoir divulgué aux autorités françaises un rapport confidentiel de l’ONU relatif à des viols et agressions sexuelles commis par des soldats français à Bangui, capitale de la République de Centrafrique. Selon des sources proches de l’affaire, Anders Kompass aurait justement transmis des documents aux autorités françaises en raison de l’incapacité de l’ONU à prendre des mesures pour arrêter ces abus.
Des viols sur des enfants de 9 ans
Les faits se seraient déroulés entre décembre 2013 et juin 2014, dans le cadre de l’opération de maintien de la paix internationale de la Minusca, selon les déclarations de plusieurs enfants abusés entendus entre mai et juin de l’année dernière par le bureau du haut-commissaire des Droits de l’homme et un spécialiste de l’Unicef. Les déclarations des quelques victimes identifiées laissent craindre que les victimes d’abus soient bien plus nombreuses. Le rapport confidentiel intitulé “Abus sexuels sur enfants par les forces militaires internationales” détaille les actes commis par des soldats français dans un centre de déplacés à l’aéroport de M’Poko, à Bangui en Centrafrique, sur des enfants affamés qu’ils étaient censés protéger. Ces enfants auraient été abusés sexuellement en échange d’argent ou de nourriture. Quelques-unes des jeunes victimes, âgées de seulement 9 à 11 ans, auraient pu décrire les soldats impliqués dans ces viols.
Une enquête française en cours à Bangui
The Guardian se serait procuré ce rapport interne via Paula Donovan, codirectrice de Aids Free World, qui réclame la création dune commission d’enquête indépendante au sein de l’ONU sur ces abus sexuels commis par des soldats de la paix. Pour Paula Donovan, “la triste vérité est que de tels abus sexuels ne sont pas rares. La réponse instinctive de l’ONU face aux violences sexuelles – ignorance, déni, dissimulation – doit être soumise à une commission d’enquête indépendante avec accès total et pleins pouvoirs”. D’ores et déjà, l’ambassadeur de Suède aux Nations unies a mis en garde les dirigeants de l’ONU : “Il ne vaudrait mieux pas que le haut-commissaire aux Droits de l’homme force” Anders Kompass à démissionner. À l’été 2014, le rapport sur ces abus sexuels a été transmis au Haut-Commissariat aux Droits de l’homme, à Genève. Comme rien ne se passait, Kompass a décidé de l’envoyer aux autorités françaises, qui ont ainsi pu envoyer des enquêteurs à Bangui. Devrait-il être suspendu pour avoir, éventuellement, violé les protocoles de l’ONU, ou plutôt remercié en tant que lanceur d’alerte ?
Des sources au sein des Nations unies ont en effet confirmé au Guardian qu’une enquête française était effectivement en cours, en coopération avec l’ONU, à Bangui sur ces accusations d’agressions sexuelles commises par des soldats français sous mandat de l’ONU. L’AFP a également eu ce mercredi la confirmation de source judiciaire qu’une enquête préliminaire avait bien été ouverte en juillet 2014, après transmission au parquet de Paris par le ministère de la Défense du rapport interne des Nations unies “Abus sexuels sur enfants par les forces militaires internationales”. Dans un communiqué, le ministère français de la Défense a affirmé mercredi soir que “le ministre de la Défense a pris et prendra toutes les mesures nécessaires pour permettre la manifestation de la vérité. Si les faits étaient avérés, il veillera à ce que les sanctions les plus fermes soient prononcées à l’égard des responsables de ce qui serait une atteinte intolérable aux valeurs du soldat”.