Chants patriotiques, défilé de faux “nazis” ukrainiens, discours de propagande: sous l’œil de Lénine, la république autoproclamée de Donetsk (RPD) a renoué samedi avec les recettes soviétiques pour célébrer ses six mois d’existence.
Du haut de sa statue, main dans la poche et manteau au vent, Lénine contemple la petite foule de 250 à 300 personnes parsemant la place qui porte son nom en plein centre de Donetsk, la principale ville aux mains des rebelles pro-russes dans l’est de l’Ukraine.
Les regards sont fixés vers la scène dressée à ses pieds, encadrée de drapeaux rouges à croix bleue, symboles de la “Novorossia”, la fédération que la RPD forme avec la “république” voisine de Lougansk.
Sous un soleil radieux, la RPD, proclamée le 7 avril, fête son demi-anniversaire, loin des “fascistes” et autres “nazis” qui, selon ses dirigeants, ont pris le pouvoir à Kiev après la destitution en février du président pro-russe Viktor Ianoukovitch.
A dix kilomètres de là, d’intenses combats se déroulent pour le contrôle d’un dernier point stratégique: l’aéroport. Les tirs de roquettes résonnent habituellement jusqu’au centre-ville, mais samedi ils ne percent qu’entre deux morceaux de musique patriotique.
“Merci aux héros qui, dressés comme des murs, nous protègent”, chante une adolescente. “C’est mon pays, le pays des mineurs. Et personne ne nous séparera, nous serons ensemble pour toujours”, entonne un mineur de sa voix de stentor.
Même Pavel Goubarev, le gouverneur de la RPD, y va de son couplet: “Nous sommes la Russie, la Russie unie”.
A des spectacles réclamant la paix succède une chorégraphie de militaires en treillis combattant des danseuses vêtues de noir, le visage masqué par un foulard, allégorie de l’ennemi ukrainien.
– ‘Niet fascismou’ –
Puis s’élève une musique du IIIe Reich. Des images de défilés hitlériens apparaissent sur un écran au fond de la scène. Entre un groupe d’adolescents en costume noir, drapeau ukrainien sur la poitrine, qui défile en lançant des saluts nazis. “Niet fascismou”, lancent quelques spectateurs.
“Je me sens enfin libre, libéré du pouvoir fasciste”, glisse Youri Yachenko, entraîneur de foot de 46 ans.
En minijupe noire, veste camouflage et chaussures à talons, Snejana Eller est venue clamer sa fierté accompagnée de sa nièce Angelina, qui pilote une voiture à pédales, une kalachnikov en plastique en bandoulière.
Devant les photographes, la fillette de 8 ans fait le V de la victoire. “Nous sommes venus soutenir Novorossia. La milice protège notre région et les enfants”, récite-t-elle sous l’oeil attendri de sa tante.
“C’est notre pays et notre avenir”, explique Snejana, qui fait partie du bataillon humanitaire des forces séparatistes.
Si l’idéologie n’est pas toujours partagée, le rêve d’une vie meilleure loin de Kiev est le dénominateur commun des spectateurs.
“On veut de l’espoir”, confie Marina Boudenovski, ancienne ouvrière dans une usine de ciment. “L’Ukraine m’a donné 1.000 hryvnias (62 euros) de retraite, je ne peux pas survivre avec ça, j’espère qu’on me donnera plus”, explique cette femme de 66 ans. “Je suis malade et les traitements sont chers. J’ai dépensé tout mon argent pour les médicaments. Et ça fait trois mois que je ne reçois plus rien.”
“Ces spectacles, ça nous permet d’oublier nos problèmes”, soupire-t-elle.
Les chants traditionnels lui conviennent certainement mieux que le défilé de motards, mais qu’importe. Elle est venue avant tout se changer les idées, comme Olga Doulzer, mère trentenaire venue avec sa fille de trois ans.
“On en a marre de courir et de se cacher”, confie la jeune femme, revenue dans la ville après le cessez le-feu du 5 septembre. Les spectacles en plein air lui manquaient: “C’est la première fête qu’on a depuis six mois”.
Depuis avril, le conflit dans l’est de l’Ukraine a fait au moins 3.200 morts.