Le chef de l’Etat n’utilise plus l’appellation “Etat islamique” pour faire référence à ce groupe terroriste qui sévit en Syrie et en Irak. Place désormais au “Daech”. Un changement récent, dans la foulée des préconisations du Quai d’Orsay. A peine rentrés sur les bancs de l’Assemblée, les députés ont reçu un cours du professeur Laurent Fabius. Mercredi, le ministre des Affaires étrangères leur a expliqué pourquoi il ne fallait plus désigner les djihadistes qui sévissent en Irak et en Syrie par l’appellation “Etat islamique”: “Le groupe terroriste dont il s’agit n’est pas un Etat. Il voudrait l’être, mais ne l’est pas, et c’est lui faire un cadeau que l’appeler ainsi. Je recommande même de ne pas utiliser l’expression ‘Etat islamique’, car cela occasionne une confusion entre l’islam, l’islamisme, et les musulmans. Il s’agit, mesdames et messieurs, de ce que les Arabes appellent Da’ech, et que j’appellerai pour ma part les égorgeurs de Da’ech !” Ironie du sort, cette leçon est tombée en réponse à une question d’Elisabeth Guigou, présidente socialiste de la commission des Affaires étrangères et connaisseuse du sujet. Cette dernière avait évoqué le “prétendu Etat islamique”. Jusqu’à tout récemment, c’était la méthode choisie par l’exécutif: reprendre l’appellation “Etat islamique” mais l’assortir de précautions de langage. Le 20 août, Laurent Fabius se référait ainsi à ce “que l’on appelle ‘l’Etat islamique'” avant d’ajouter, devant une commission de députés et de sénateurs: “Quant à moi, je l’appelle le califat de la barbarie et de la terreur.” Le 30 juillet, l’Elysée parlait lui de “groupe terroriste de l’Etat islamique”.
L’Etat islamique passe mal pour Hollande
François Hollande n’a d’ailleurs jamais semblé très à l’aise en reprenant à son compte l’expression “Etat islamique”. Régulièrement, il la complétait d’un commentaire. Ce que n’a pas manqué de remarquer “Le Petit journal” mercredi. C’était, par exemple, le cas le 5 septembre, lors du sommet de l’Otan: “Nous avions là affaire à une menace globale, celle de l’État islamique. Qui d’ailleurs n’est ni un État, ni ne peut être considéré comme représentant l’islam parce qu’il le détourne à des fins terroristes.”
Jusqu’à très récemment, l’exécutif se contentait de reprendre les appellations revendiquées par le groupe terroriste lui-même. Ainsi, jusqu’au 29 juin, jour de proclamation du califat et de changement de nom, le Quai d’Orsay et l’Elysée employait principalement le nom de “Etat Islamique en Irak et au Levant”, comme dans ce point-presse du porte-parole des Affaires étrangères le 11 juin. Le 21 juillet encore, un communiqué de presse est ainsi intitulé: “Ultimatum adressé aux chrétiens par l’Etat islamique”.
Fin août, la solution du Daech apparait
Ce n’est que le 21 août que Laurent Fabius trouve la parade. A l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, lors de l’accueil de réfugiés chrétiens d’Orient, le ministre des Affaires étrangères évoque le risque “d’une victoire de Daech.” Le lendemain, sur l’antenne de RMC et BFMTV, il se montre plus explicite, évoquant le “Daech, c’est-à-dire l’Etat islamique”. Le “Daech”, François Hollande s’y convertira pour la première fois le 9 septembre, dans un communiqué de presse annonçant la tenue d’une conférence internationale sur l’Irak ce lundi.
Mais que signifie “Daech”, aussi orthographié “Daesh” ou “Da’ech”? Il ne s’agit de rien d’autre que de l’acronyme arabe de l’Etat islamique en Irak et au Levant, comme le précise David Thomson dans son livre Les Français jihadistes. Il ajoute que les partisans de l’EIIL utilisent dawla plutôt que daesh car le premier signifie “Etat” en arabe et laisse entendre qu’il a supplanté les régimes syriens et irakiens. Quant à savoir si l’Elysée a définitivement choisi le terme de Daech, a posé la question à la présidence de la République et attend sa réponse.
Aux Etats-Unis, la bataille aussi fait rage pour savoir comment nommer les djihadistes d’Irak et de Syrie. Barack Obama parle d’ISIL. ABC news d’ISIS. La différence se joue entre la volonté de citer la Syrie ou plutôt de se référer au Levant (une région comprenant la Syrie mais aussi une partie de la Turquie, la Jordanie ou Israël), comme le souligne FranceTV.