Près de cinq ans après la mort de 29 personnes noyées lors de l’inondation de leur lotissement à La Faute-sur-Mer (Vendée) au passage de la tempête Xynthia, le procès de la nuit d’horreur du 28 février 2010 s’est ouvert lundi aux Sables d’Olonne.
Le procès fleuve, qui doit durer cinq semaines, a démarré peu après 14h20 au centre des congrès des Sables d’Olonne, retenu pour pouvoir accueillir le public et des dizaines de journalistes dans une salle de 700 places équipée d’écrans géants.
Plus de 120 parties civiles font face à cinq prévenus, dont l’ancien maire de La Faute-sur-Mer, poursuivis pour homicides involontaires à la suite du décès des 29 personnes qui avaient été autorisées à s’installer sur des terrains en principe non constructibles.
Les victimes vont raconter au tribunal correctionnel ce qu’elles ont vécu la nuit du drame, lorsque les flots gonflés par la tempête ont débordé des digues et englouti des lotissements, piégeant dans leur sommeil les habitants de la petite station balnéaire.
“Ça va être une épreuve assez compliquée, on sera là pour se soutenir les uns les autres”, confie Renaud Pinoit, président de l’Avif, l’association des victimes.
Une autre question porte sur le dispositif d’alerte et de prévention, car nombre d’habitants ne savaient pas qu’ils habitaient dans une zone à risque, et personne ne les avait prévenus la veille du drame qu’une alerte rouge avait été déclenchée.
– Cinq ans de prison –
Les prévenus seront entendus à partir de la quatrième semaine d’audience. René Marratier, maire de 1989 à mars 2014 et toujours conseiller municipal, son ex-adjointe à l’urbanisme Françoise Babin, le fils de celle-ci, Philippe Babin, agent immobilier, et Patrick Maslin, gérant de sociétés de construction et conseiller municipal, sont poursuivis pour homicides involontaires aggravés et mise en danger de la vie d’autrui par violation manifestement délibérée d’une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence.
Alain Jacobsoone, à l’époque directeur départemental adjoint des Territoires et de la Mer, est lui poursuivi pour homicides involontaires aggravés pour avoir négligé d’alerter le maire sur les dangers de la tempête qui s’annonçait.
Ils risquent tous au maximum cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende. Le procès va durer jusqu’au 17 octobre et le jugement sera rendu le 12 décembre.
Peu avant le début de l’audience, Antonin Lévy, avocat de l’ancien maire, a assuré que M. Marratier était “très tendu” et mesurait “la gravité des charges qui pèsent contre lui”.
– 17 millions de Français en zone inondable –
“Il se demande tous les jours ce qu’il aurait pu faire pour changer ça, il y pense tout le temps”, a confié l’avocat à la presse.
Selon lui, le maire d’une petite commune comme La Faute-sur-Mer n’était pas armé pour appliquer toutes les normes de construction et de sécurité.
“C’est demander à un élu d’être plus spécialiste que les spécialistes qui se sont eux-mêmes trompés”, a estimé Me Lévy.
En tout, 29 personnes, âgées de 2 à 88 ans, sont mortes noyées à La Faute-sur-mer, principalement des personnes âgées venues profiter de leur retraite dans cette commune de 800 habitants coincée sur une langue de terre entre l’océan Atlantique et l’estuaire du Lay, un petit fleuve côtier.
En France, la tempête avait fait au total 47 morts et des dégâts matériels très importants: pour les assureurs, le coût était estimé à 1,5 milliard d’euros.
“Aujourd’hui, il faut avoir le courage de dire que 17 millions d’habitants vivent en zone potentiellement inondable”, estime Ségolène Royal dans un entretien publié lundi dans Le Parisien.
“Les communes les plus exposées doivent revoir leur système d’alerte des populations”, ajoute la ministre de l’Ecologie, soulignant que les changements climatiques “vont aggraver les risques de submersion”.
Pour le président de l’association des victimes, près de cinq ans après la catastrophe, la commune “n’est pas en parfaite sécurité”, seule la moitié des digues ayant été refaites depuis Xynthia, tandis que le cordon dunaire a cédé lors des tempêtes de l’hiver dernier.