Ils craignent une remise en cause du statu quo sur l’Esplanade des Mosquées, à Jérusalem.
Quelques milliers de musulmans palestiniens ont repris vendredi le chemin de l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem. La police israélienne, qui avait condamné la veille ce site hautement contesté à la suite d’une tentative d’assassinat contre l’influent rabbin Yehuda Glick, en a autorisé la réouverture tout en limitant l’accès aux fidèles de plus de cinquante ans.
Les pressions venues des États-Unis ou de Jordanie, ainsi qu’un risque de violence jugé élevé, semblent avoir convaincu Benyamin Nétanyahou de lâcher du lest. Mais la tension demeure vive dans les quartiers palestiniens de la ville, où beaucoup craignent une remise en cause du statu quo qui régit depuis plusieurs décennies l’accès au troisième lieu saint de l’Islam.
Jeudi, le porte-parole du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a assimilé la fermeture des sept portes qui conduisent à l’Esplanade à «une déclaration de guerre». Selon la fondation religieuse jordanienne qui contrôle le site, un tel événement ne s’était jamais produit depuis que l’armée israélienne a conquis Jérusalem-Est en juin 1967. La police a justifié sa décision par son souhait de prévenir des violences.
«Je suis très inquiet. Les extrémistes juifs semblent résolus à prendre le contrôle de notre mosquée. Ce serait, à coup sûr, le début d’une nouvelle intifada»
Islam Younès, jeune professeur d’anglais
La quasi-totalité des échoppes de la vieille ville ont aussitôt fermé leurs portes en signe de protestation. «Il s’agit d’un acte très grave, a protesté Hosman Hassoun, un commerçant rencontré aux abords d’un cordon de policiers, non loin de l’Esplanade. Nous allons au-devant d’incidents tragiques si les Israéliens ne font pas vite marche arrière.» Islam Younès, jeune professeur d’anglais qui, depuis trois ans, se rend chaque matin sur l’Esplanade «pour la défendre» contre d’éventuels assaillants, complétait: «Je suis très inquiet. Les extrémistes juifs semblent résolus à prendre le contrôle de notre mosquée. Ce serait, à coup sûr, le début d’une nouvelle intifada.»
L’Esplanade, qui domine la vieille ville de Jérusalem, dénommée «noble sanctuaire» par les musulmans et «mont du Temple» par les juifs, est depuis plusieurs années l’objet de tensions récurrentes. Si le grand rabbinat interdit de fouler ce plateau où s’élevait, il y a 2000 ans, le Temple d’Hérode, une minorité de sionistes religieux réclament le droit d’y pratiquer leur culte. Autorisés à y déambuler sans prier, ils s’y rendent en groupe toujours plus nombreux et exercent sur le gouvernement une pression constante pour obtenir la révision de ce statu quo. Leurs visites donnent lieu à de fréquents accès de violence entre fidèles musulmans et policiers israéliens.
Le rabbin Yehuda Glick, grièvement blessé par balles jeudi soir dans le centre de Jérusalem, compte parmi les militants les plus radicaux d’une nouvelle donne sur l’Esplanade. Il est, à ce titre, haï par de nombreux Palestiniens musulmans. Tout autant que le droit d’y prier, il réclame celui de construire le troisième Temple, là où s’élève actuellement le dôme du Rocher. «Nous devrons pour cela détruire cet édifice, ou plus exactement le démonter pierre par pierre afin qu’il puisse être reconstruit à Amman ou à La Mecque», prévoit le militant d’extrême droite Yaakov Benyamin HaCohen Ben Arieh, qui reproche au gouvernement sa tiédeur sur ce sujet. «Il est temps que “Bibi” redresse l’échine et permette aux juifs de reprendre possession de leur propriété, exhorte-t-il, même si cette décision doit nous entraîner dans une nouvelle guerre régionale.»