Des commanditaires, le tribunal ne saura rien. En tout cas rien de convaincant. Les prévenus jugés pour le vol de montres dans une bijouterie de luxe parisienne se sont obstinés jeudi à soutenir que de mystérieux Serbes seraient les donneurs d’ordre de cette spectaculaire opération.
Le bijoutier Vacheron Constantin a déclaré le vol de 36 montres, pour une valeur de plus d’un million d’euros. Elles n’ont jamais été retrouvées.
Six Roumains, âgés de 21 à 32 ans, sont jugés jusqu’à vendredi devant le tribunal correctionnel de Paris.
Ils contestent tout rattachement à une organisation criminelle. Pourtant, certains d’entre eux sont mis en cause dans des attaques comparables en Belgique, à Londres ou à Strasbourg.
A les écouter, l’opération, qui a rassemblé une dizaine de malfaiteurs, n’aurait même pas été organisée. Et ce en dépit d’une répartition minutieuse des rôles.
Ce 4 octobre 2013 en fin de matinée, deux hommes portant costumes et Borsalino, munis d’armes de poing, se font ouvrir la porte de cette boutique de montres de luxe rue de la Paix, non loin de la place Vendôme à Paris. Ils retiennent l’attention du personnel. Les autres braqueurs s’engouffrent à l’intérieur. Avec des masses et des haches, ils font voler en éclats les vitrines et font main basse sur les montres exposées sur les présentoirs.
L’un des malfaiteurs chronomètre l’action, et donne, au bout d’une minute, le signal du départ. Pour couvrir leur fuite, ils jettent certains vêtements et utilisent des fumigènes.
Tous avaient quitté leur campement du Bois de Vincennes en métro, pour descendre à la station Hôtel de Ville, avant de terminer le trajet à pied. Le tout en prenant soin de ne pas avoir l’air de se déplacer ensemble.
– ‘Peur de Dieu’ –
“J’assume mes responsabilités, je préfère ne pas en dire plus.” Le premier prévenu interrogé par le président Laurent Raviot se montre peu disert, “personne n’a dirigé aucune opération”.
“Comment se sont répartis les rôles?
– Je ne sais pas.
– Comment la bijouterie a-t-elle été choisie?
– J’ai dit que je préférais ne pas en dire plus.
– Vous avez peur de quoi?
– J’ai peur de Dieu.”
Sur procès-verbal, il avait déclaré que ces montres étaient destinées à des Serbes. Une version sujette à caution, des écoutes téléphoniques trahissant une concertation entre deux prévenus pour livrer ce récit.
“On sait aujourd’hui qu’il n’y a pas plus de Serbe que d’Africain”, souligne le président, en référence à l’explication, jugée peu crédible, donnée par un prévenu, qui souffre de troubles neurologiques.
Après avoir déclaré pendant l’enquête que des Français, rencontrés sur un terrain de foot, lui auraient proposé de s’en prendre à un magasin de vêtements, un autre prévenu affirme devant le tribunal, pour la première fois, qu’il s’agissait en fait de Serbes.
Une transformation issue de “la magie de l’audience”, ironise le président. Ce sont eux également qui auraient fourni les armes, factices, et les costumes.
Mais pour le président, parler de ces mystérieux Serbes n’engage à rien, “c’est comme si on disait les Martiens”.
Les six prévenus encourent jusqu’à dix ans de prison, voire 20 ans pour certains en état de récidive pour avoir été condamnés pour vol en Roumanie.