C’est l’une des mesures du plan anti-tabac présenté jeudi par Marisol Touraine qui risque de faire le plus polémique : l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de douze ans. Elle existe déjà dans certaines régions aux États-Unis, au Canada et en Australie. Pour justifier cette prohibition, le ministère de la Santé fait valoir que “la concentration de particules fines est dix fois plus élevée sur les sièges arrières des véhicules ‘fumeur'”, et dépasse de plus de trois fois le seuil moyen admis par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
En cas d’infraction, une amende est prévue pour l’automobiliste. “La même que celle encourue lorsqu’on fume dans un lieu public”, a précisé la ministre de la Santé. Afin de “débanaliser” la consommation de cigarettes aux yeux des plus jeunes, le tabac sera également interdit dans les espaces publics de jeux pour enfants.
Outre la difficulté de contrôler concrètement une telle infraction commise dans l’habitacle, la mesure est considérée par certains comme une atteinte aux libertés individuelles. “Nos politiques veulent nous infantiliser pour tout en permanence avec cette obsession de sécurité. Quelle différence avec des parents qui alignent cigarettes sur cigarettes dans leur salon devant leurs enfants ?”, s’insurge dans 20 Minutes le président de l’association des avocats de l’automobile, Éric de Caumont.
Ce dernier rappelle que la voiture, espace privé certes, mais davantage réglementé que le domicile, est déjà soumise à un certain nombre d’interdictions. “La police ne peut pas rentrer chez vous comme ça mais elle peut perquisitionner votre véhicule”, explique l’avocat, précisant que “le seul critère qui compte vraiment” pour l’interdiction d’une activité en voiture est “de savoir si cette activité entraîne ou non une ‘conduite dangereuse'”.
Or, selon Éric de Caumont, personne n’a jamais été condamné pour avoir fumé au volant. D’autres mesures du plan de lutte gouvernemental contre le tabagisme, comme l’instauration d’un paquet de cigarettes neutre ou l’interdiction de vapoter dans certains lieux publics, font grincer des dents industriels du tabac, buralistes et partisans de l’e-cigarette.
Les fabricants qui, selon Japan Tobacco International France, “s’inquiètent d’une forte perte de valeur de leurs marques”, menacent même de porter plainte. Ils “n’excluent pas le recours à des procès, qui pourraient coûter cher à la France. L’Etat s’expose à verser plusieurs milliards d’euros au titre de la compensation du préjudice subi et de l’expropriation de nos marques”, a prévenu la même source.
Les associations de vapoteurs ne comprennent pas pour leur part que la cigarette électronique soit placée sur le même plan que la cigarette classique. “Punir la cigarette électronique, c’est punir la lutte contre le tabac”, assène Rémi Parola, membre de la Fédération des professionnels de la cigarette électronique (Fivape). (6Medias)