Police: l’ancien patron de la lutte antidrogue en France, François Thierry, en garde à vue à l’Inspection générale de la police nationale
L’ancien patron de la lutte antidrogue en France, François Thierry, a été placé en garde à vue mercredi à la “police des polices”, dans l’une des enquêtes qui s’intéressent aux pratiques troubles des “stups” dans la lutte contre les trafics.
La convocation de l’ex-patron emblématique de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis) à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) s’inscrit dans un dossier de trafic de stupéfiants dont sont saisis des juges d’instruction parisiens depuis l’été 2013. Un autre policier a été placé en garde à vue, a précisé une source proche de l’enquête.
Selon cette source, les enquêteurs s’interrogent sur les pratiques de l’office antidrogue et ses liens avec les indicateurs, acteurs controversés mais essentiels pour les investigations. Cette problématique est déjà au coeur d’au moins deux autres enquêtes judiciaires d’envergure à Paris.
L’une d’elle, confiée aux juges en septembre, fait suite aux révélations à la justice d’un ancien indicateur, Hubert Avoine, qui témoigne à visage découvert dans un livre à paraître jeudi, écrit avec le journaliste Emmanuel Fansten, “L”Infiltré, de la traque du Chapo Guzman au scandale français des stups”.
L’autre dossier piloté par des juges d’instruction trouve son origine dans la saisie record de sept tonnes de cannabis, découvertes par les douanes dans des camionnettes stationnées boulevard Exelmans à Paris le 17 octobre 2015.
- Opération surveillée -
L’opération, à l’époque encensée par le président François Hollande, avait très vite été entachée de soupçons en raison du rôle trouble attribué à un indicateur de premier plan de l'”office”, Sofiane Hambli. Au-delà des interrogations sur les méthodes de gestion des “indics”, l’affaire a mis en lumière des rivalités entre douanes et police.
Cette saisie avait abouti grâce à un “renseignement” obtenu le jour-même, d’après un procès-verbal de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) dont a eu connaissance l’AFP.
Sofiane Hambli, qui a porté plainte pour “faux en écriture publique”, affirme le contraire. Selon son avocat Joseph Cohen-Sabban, “les douanes étaient au courant depuis plusieurs semaines de cette livraison et savaient parfaitement qu’il s’agissait d’une opération entre l’Espagne et la France surveillée par l’Ocrtis”.
Selon Libération, l’Ocrtis agissait en effet dans le cadre d’une opération d’infiltration secrète, baptisée “Janissaire”, destinée à démanteler, avec l’aide de Sofiane Hambli, des réseaux de trafiquants dont celui d’un des plus gros importateurs français de cannabis du Maroc. Sous couvert de l’opération “Janissaire”, l’Ocrtis a directement supervisé l’importation d’au moins 15 tonnes de cannabis qui ont été saisies, selon la source proche de l’enquête.
Les enquêteurs cherchent à savoir si d’autres quantités de drogue ont pu être écoulées dans le cadre d’opérations de l’office des “stups” alors que Libération évoque l’importation par ce biais d’au moins 40 tonnes.
“Le problème dans ce dossier, c’est qu’Hambli est bien plus qu’un informateur. Il apparaît comme l’un des responsables du trafic lui-même”, confiait récemment une source proche de l’enquête.
La gestion controversée des “indics” par l’office antidrogue est au centre de l’autre enquête née des révélations de l’ancien indicateur Hubert Avoine. Dans une interview au Parisien, à la veille de la sortie de son livre, l’ex-agent traitant accuse l’office et son ancien patron d’avoir facilité l’importation en France de plusieurs dizaines de tonnes de cannabis, au profit d’un trafiquant présumé. Sans le nommer dans l’interview, il désigne Sofiane Hambli, qui aurait selon lui “apporté sur le territoire près de la moitié de la consommation annuelle française”. “Ce qui veut dire que la République a sur la conscience près de la moitié des règlements de comptes liés à la guerre de la drogue”, affirme-t-il.
Se disant complice malgré lui d’un “système”, Hubert Avoine a déposé plainte pour “escroquerie en bande organisée” et “mise en danger de la vie d’autrui”.