Alors que la loi Travail a été présentée ce jeudi en conseil des ministres, la mobilisation des jeunes et des syndicats se poursuit, et les français y demeurent majoritairement opposés d’après de récents sondages.
Censé répondre au chômage record, l’avant-projet de loi réformant le droit du travail est présenté ce jeudi en Conseil des ministres, étape importante dans un parcours chahuté, marquée par une nouvelle mobilisation de jeunes et de syndicats.
Le Premier ministre Manuel Valls vante une réforme “intelligente, audacieuse et nécessaire”, qui doit répondre au chômage de masse (3,5 millions de personnes sans emploi) “auquel notre pays s’est habitué depuis trop longtemps”.
Certaines modifications ont permis à l’exécutif d’obtenir les soutiens précieux des syndicats dits “réformistes” (CFDT, CFE-CGC, CFTC, Unsa), ainsi que de la majorité. Mais ses opposants demeurent nombreux. Les frondeurs ont promis “une bataille parlementaire extrêmement ferme”, et viennent de présenter une “contre-réforme”, tandis que les “réformistes” comptent sur davantage d’améliorations, notamment sur l’article portant sur les licenciements économiques, réécrit à la marge.
– Vaste mobilisation étudiante et syndicale –
L’opposition contre ce texte reste vive: la CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, UNL et Fidl manifestent à nouveau ce jeudi pour en réclamer le retrait, avant une grande mobilisation le 31 mars.
Le principal bâtiment de Sciences Po Paris était bloqué tout comme plusieurs lycées, selon l’organisation lycéenne UNL. À Paris 8, une assemblée générale avait voté mardi le blocage de l’université de Saint-Denis.
Le ministère de l’Éducation nationale a recensé 57 lycées faisant l’objet d’un blocage total ou filtrant, parmi les quelque 2.500 lycées publics que compte la France.
Une porte-parole de l’UNL, autre organisation lycéenne, évoquait plus largement “200 lycées mobilisés sur le territoire”, dont 40 à Paris. Plus de 150 de ces établissements étaient bloqués selon elle, au jour de la présentation du projet de loi travail en Conseil des ministres.
– Incidents à Nantes –
Des incidents ont opposé à plusieurs reprises les forces de l’ordre à des manifestants cagoulés dans des face-à-face tendus, ce jeudi à Nantes, lors d’un défilé rassemblant entre 6.000 et 8.000 personnes contre la loi Travail.
Des manifestants cagoulés qui défilaient rue de Strasbourg ont d’abord jeté des projectiles en direction des forces de l’ordre qui bloquaient les axes perpendiculaires à cette artère du centre-ville. Les forces de l’ordre ont chargé les manifestants, faisant usage de matraques et tirant des gaz lacrymogènes. De nouveaux tirs de grenades lacrymogènes ont eu lieu à proximité de la préfecture et du Conseil départemental, les forces de l’ordre étant à nouveau la cible de projectiles, dont des pierres, a-t-on indiqué de source policière. Un troisième face-à-face très tendu s’est déroulé au niveau d’un pont enjambant l’Erdre, un affluent de la Loire coulant à Nantes. Les forces de l’ordre ont chargé en direction de plusieurs centaines de jeunes gens, dont certains cagoulés, selon une journaliste de l’AFP.
Des membres des forces de l’ordre ont fait usage de leur Flash-ball, en l’air, à deux reprises. Des poubelles brûlaient au milieu d’une ligne de tramway. Au moins neuf personnes ont été interpellées, selon la préfecture.
– Appel à la grève et manifestations le 31 mars –
À Paris, plusieurs milliers de lycéens et d’étudiants, rejoints par des salariés, manifestaient ce jeudi après-midi, leur convoi, parti de Montparnasse, devant rejoindre les Invalides.
Les mêmes organisations appellent à des grèves et manifestations dans toute la France le 31 mars. Un appel similaire avait rassemblé des dizaines de milliers de personnes le 9 mars, date initialement prévue du passage du texte en Conseil des ministres.
Et pour compliquer davantage la tâche de l’exécutif, si le patronat semblait acquis à la version initiale, il critique vertement la nouvelle, qui ne prévoit aucune mesure pour les TPE-PME, selon lui.
Sept organisations patronales, dont le Medef, la CGPME et la FNSEA, ont lancé mardi un “appel solennel” au Premier ministre afin que le texte, qui n’est “pas acceptable en l’état”, “retrouve son objectif d’origine: créer de l’emploi”. Et elles comptent bien peser sur le débat parlementaire.
– La Loi Travail, impopulaire dans les sondages –
Les Français restent majoritairement opposés au projet de loi travail de Myriam El Khomri, mais dans le même temps, près d’un sur deux voit dans le code du travail un frein à l’emploi, selon un sondage Viavoice, à paraître jeudi dans Libération.
Selon ce sondage, 58% des Français sont opposés à la réforme et 50% estiment que les modifications apportées par le gouvernement sous la pression des syndicats et des jeunes “ne changent pas grand chose”.
Certaines mesures évoquées dans le projet de loi sont plutôt bien reçues mais d’autres sont franchement rejetées. Ils sont ainsi 62% à être opposés à l’idée de “limiter dans certains cas les droits des salariés” pour faire baisser le chômage. Et 48% d’entre eux ne croient pas que faciliter les licenciements économiques encouragera l’emploi en CDI. Le texte sera examiné en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale à partir du 5 avril, puis au Parlement fin avril-début mai.
– “Un vrai élan pour la démocratie sociale” –
Face à la mobilisation, la ministre du Travail défend plus que jamais son texte. “C’est un vrai nouvel élan, un nouvel élan pour la démocratie sociale dans notre pays”, a-t-elle assurée ce jeudi à la sortie du Conseil des ministres après y avoir présenté son texte.
“Ce texte marche sur deux jambes, il est équilibré”, a ajouté Myriam El Khomri. Il propose “à la fois des nouvelles souplesses aux entreprises pour améliorer la compétitivité de notre économie, et puis de nouvelles protections, de nouveaux droits pour les salariés”.