Le Luxembourg est la destination privilégiée des banques françaises, même s’il ne figure pas sur les listes noires officielles des paradis fiscaux.
Malgré le tour de vis opéré dans le sillage de la crise financière en 2008, les cinq plus grandes banques françaises sont toujours très attirées par les pays à la fiscalité avantageuse. Une stratégie d’optimisation fiscale dénoncée, mercredi 16 mars, dans une étude publiée par plusieurs ONGs.
Les chiffres sont parlants. Le rapport entre coût et bénéfices des opérations est bien plus avantageux dans ces pays à la fiscalité avantageuse : “A l’international, alors que les banques françaises réalisent un tiers de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, ceux-ci ne représentent qu’un quart de leurs activités internationales déclarées, qu’un cinquième de leurs impôts et seulement un sixième de leurs employés”, relèvent dans une étude CCFD-Terre Solidaire, Oxfam France et Secours Catholique-Caritas France.
Ces ONGs qualifient de paradis fiscaux des pays qui ne figurent pas sur les listes noires de l’OCDE ou de la Commission européenne, à l’exception de Hong-Kong. Ce sont en revanche des pays dont les régimes fiscaux sont plus avantageux. Les banques étudiées y ont dégagé presque 5 milliards d’euros de bénéfices en 2015.
Ces conclusions ont été rendues possibles par la loi bancaire de 2013, obligeant les banques françaises à rendre publiques des informations essentielles sur leurs activités et les impôts qu’elles paient dans tous les pays où elles sont implantées. Les premiers chiffres ont été rendus publics en 2015, entraînant l’étude des ONGs auteures.
Selon les données recueillies, la destination privilégiée des établissements étudiés parmi les pays à la fiscalité avantageuse est le Luxembourg, où ils ont enregistré plus d’1,7 milliard d’euros de bénéfices, soit 11% du total réalisé à l’international dans les pays à fiscalité réduite. Suivent en Europe, la Belgique (1,66 milliard), l’Irlande(272 millions), et les Pays-Bas (189 millions), et en Asie Hong-Kong (436 millions) et Singapour (346 millions).
Les ONGs, se basant sur la liste établie par le collectif d’ONGs spécialisé dans la justice fiscale Tax Justice Network, qualifient ces pays de “paradis fiscaux” car ils proposent par exemple un taux d’imposition effectif très bas, voire nul ou favorisent des pratiques fiscales dommageables.
Dans le détail, “BNP Paribas et la Société Générale sont les banques qui ont, en valeur absolue, les bénéfices les plus importants logés” dans ces juridictions avec respectivement 2,4 milliards et 1,3 milliard, souligne le document.
Le Crédit Mutuel-CIC a de son côté “la plus importante part relative de bénéfices internationaux déclarée dans les paradis fiscaux (44 %)”, est-il ajouté.
De façon générale, les chiffres témoignent surtout “de la déconnexion entre les bénéfices déclarés dans les paradis fiscaux et l’activité réelle des banques”, souligne le document. Dans ces pays fiscalement avantageux, “les activités des cinq banques françaises sont 60% plus lucratives” que dans le reste du monde et les salariés y “sont en moyenne 2,6 fois plus productifs”, est-il notamment relevé.
Finalement, à taux de profit égaux, les banques françaises paient deux fois moins d’impôts dans ces pays à la fiscalité avantageuse. Dans certains cas, elles ne paient même aucun impôts, malgré les bénéfices déclarés.