La justice a débouté jeudi les antinucléaires qui accusaient l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) de “mensonge” autour d’un projet controversé de stockage de déchets nucléaires ultranocifs, dans la Meuse.
Dans sa décision, consultée par l’AFP, le tribunal de grande instance de Nanterre estime que le réseau Sortir du nucléaire et cinq associations locales, qui assignaient l’Andra pour “faute”, “ne démontrent pas avoir un intérêt” à agir.
Dans le viseur des antinucléaires: un projet unique en France, Cigéo, destiné à enfouir pour des milliers d’années les déchets radioactifs les plus dangereux du pays à 500 mètres sous le village de Bure.
Les associations accusaient l’Andra d’avoir volontairement sous-estimé la richesse du sous-sol -des nappes souterraines d’eau chaude- pour faciliter l’implantation du futur centre dans cette zone rurale aux confins de la Haute-Marne.
Mais le TGI a estimé que c’est aux “autorités publiques” d’apprécier la validité du contenu de l’étude réalisée par l’Andra sur le potentiel géothermique de Bure, puisqu’elles en sont commanditaires.
“Le tribunal estime qu’on n’a pas intérêt à agir pour critiquer l’Andra. C’est une décision inacceptable, une façon de museler la société civile”, a déploré Etienne Ambroselli, avocat des associations.
Condamnées à payer 3.000 euros de frais de justice à l’Andra, les associations envisagent de faire appel. Dans un communiqué, elles annoncent avoir écrit à l’Elysée, au ministère de l’Ecologie et à l’Andra pour leur demander “d’invalider” le périmètre d’implantation de Cigéo, délimité selon elles sur “des bases erronées qui niaient la ressource goéthermique”, et d’abandonner le projet.
Dans un communiqué, l’Andra a répété “sa volonté de renforcer ses efforts d’information, d’explication et de dialogue” et souligné que la justice n’avait relevé ni “rétention d’information”, ni “infraction au droit de l’environnement”.
– 99% de la radioactivité –
Enfoui dans une roche argileuse imperméable, Cigéo, tombeau hermétique, accueillerait seulement 3% du volume des déchets radioactifs produits dans l’Hexagone, mais concentrant à eux seuls plus de 99% de leur radioactivité totale. Les plus nocifs peuvent le rester plus d’un million d’années.
Son autorisation est encore loin d’être acquise. L’Andra espère un feu vert gouvernemental vers 2020, en vue d’une exploitation progressive à partir de 2025. Or, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) exclut une telle entreprise sur tout site en France présentant “un intérêt particulier” pour la géothermie. Depuis plus de onze ans, les anti-Cigéo tentent donc de démontrer le potentiel géothermique “exceptionnel” du sous-sol de Bure.
Au regard d’études qu’elle a diligentées en 2007-2008, l’Andra estime qu’il existe “un potentiel géothermal banal” dans la zone de 30 km2 étudiée.
L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a aussi estimé en 2013 qu’au vu de ces tests, le potentiel géothermique de Bure n’était “pas de nature à remettre en cause le choix du site d’implantation du projet Cigéo”, au regard des critères de l’ASN.
Les associations contestent la précision de ces études et réclament des forages plus profonds. En 2013, une contre-expertise de Geowatt, un bureau d’études suisse, avait conforté leurs doutes.
Les antinucléaires brandissent un risque vertigineux: l’oubli. Qui se souviendra de la présence de Cigéo 100.000 ou 200.000 ans après sa fermeture? Les hommes risqueront alors de perforer les déchets par mégarde s’ils forent pour atteindre l’eau chaude qui se trouve au-dessous. L’Andra, elle, ne voit aucune “incompatibilité entre le fait de construire Cigéo et une exploitation géothermale après fermeture”.
Pour que la mémoire des déchets nucléaires traverse les millénaires, des chercheurs du monde entier se transportent aux confins de la science, de l’histoire et de la philosophie. Objectif: trouver une signalétique qui résiste au temps. Mégalithes, pyramides, oeuvres monumentales? Panneaux – mais en quelle matière, quelle langue, quels symboles? Voire simple bouche-à-oreille.