Dans un entretien accordé ce vendredi au Monde, Alain Juppé se pose comme un “rassembleur”, capable de “rassurer” les Français.
Il se considère comme le mieux à même de “battre largement” Marine Le Pen au second tour de la prochaine élection présidentielle. Il s’inquiète également de l’hystérisation du débat sur l’islam : “Si nous continuons comme ça, nous allons vers la guerre civile”.
“Si j’en crois les sondages, je suis le seul qui peut la devancer au premier tour de la présidentielle, et la battre largement au second”, affirme le candidat à la primaire de la droite et du centre.
“C’est très important pour l’avenir, et cela comptera dans le choix des électeurs de la droite et du centre en novembre, puis dans le choix des Français l’an prochain”, poursuit le maire de Bordeaux.
“TOUT LE MONDE POURRA VOTER À LA PRIMAIRE DE NOVEMBRE”
Les sondages le placent régulièrement comme celui qui obtiendrait au premier tour comme au second le meilleur score face à Marine Le Pen. Dans la plupart des configurations et des sondages depuis début 2016, il devancerait en effet la dirigeante d’extrême droite au premier tour, alors que Nicolas Sarkozy comme les autres candidats à la primaire de la droite seraient devancés voire distancés par Marine Le Pen. Au second tour, le maire de Bordeaux battrait Marine Le Pen avec 30 à 40 points d’avance selon les sondages, contre 10 à 20 pour Nicolas Sarkozy. Selon ces mêmes enquêtes, François Fillon battrait Marine Le Pen avec 20 à 30 points d’avance, Bruno Le Maire gagnerait lui avec environ 20 points d’avance.
Alain Juppé, interrogé sur une remontée de son rival Nicolas Sarkozy dans les sondages pour la primaire, juge ceux-ci “incertains”, tout en ajoutant : “Ils dessinent une tendance sur la durée, qui est encourageante (pour lui-même), particulièrement au second tour où tout se jouera”. “J’expliquerai sans relâche que tout le monde pourra voter les 20 et 27 novembre, et que l’enjeu sera majeur”, souligne l’ancien locataire de Matignon.
“Un héritage politique s’incarne et ne se proclame pas”, juge-t-il aussi en réponse à la question de savoir s’il est le “premier des chiraquiens”, au moment où l’ancien chef de l’État est hospitalisé. Celui qui a battu sèchement Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle 2002 (82,2% contre 17,8%) “a déjà exprimé son sentiment à mon égard avec beaucoup d’affection, et j’en suis particulièrement fier. Cet attachement me guide tous les jours dans la démarche qui est la mienne”, poursuit Alain Juppé.
“MAUVAISE FOI” DE NICOLAS SARKOZY
Réchauffement climatique, fichés S, “ancêtre Gaulois”… L’ancien Premier ministre s’est également employé à répondre point par point à Nicolas Sarkozy, dénonçant son manque de “cohérence” et même sa “mauvaise foi”. Il a qualifié de “polémique d’un autre âge” la récente déclaration de Nicolas Sarkozy sur les “ancêtres gaulois”. “Il déclarait exactement le contraire il y a quelques années. En Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie, j’ai rencontré des Français très attachés à leur pays. Il ne me serait pas venu à l’idée de leur dire qu’ils étaient gaulois !”.
“De manière générale, il y a ceux qui ressassent le passé et ceux qui regardent l’avenir. Moi, je préfère parler aux jeunes Français de la transformation numérique du monde ou des nouveaux modes de développement économique qu’il faut inventer pour lutter contre le réchauffement climatique, dont nous sommes responsables. Je ne veux pas ressasser indéfiniment l’Histoire”, a-t-il également dans une allusion à une autre déclaration récente de Nicolas Sarkozy relativisant le rôle de l’homme dans le réchauffement climatique.
L’enfermement préventif des fichés S, prôné par l’ancien chef de l’État ? “Tous les spécialistes considèrent que ce débat est dénué de sens”, rétorque Alain Juppé, qui y est cependant favorable “pour les plus dangereux” et “à condition qu’un juge judiciaire valide” la privation de liberté. Le maire de Bordeaux taxe également de “mauvaise foi” l’ancien président pour ses attaques sur son supposé angélisme face aux revendications religieuses. “Il faut faire preuve de bon sens et ne pas verser dans une laïcité extrémiste”, a-t-il expliqué.
“Nicolas Sarkozy évoque, par exemple, le principe de précaution pour lutter contre le terrorisme, alors qu’il promet de le supprimer en matière environnementale. Où est la cohérence ? J’essaie de proposer des réformes efficaces, réalistes et faisables, et de garder le cap que je me suis fixé, celui de la confiance et du rassemblement. J’attends avec gourmandise la comparaison des programmes”, poursuit Alain Juppé. “Toutes les campagnes électorales sont propices à un durcissement des positions des uns et des autres. D’une certaine manière, j’ai aussi durci la mienne, en persistant et en signant sur l’identité heureuse”.