Le Premier ministre, inquiet que Marine Le Pen l’emporte en Nord-Pas-de-Calais-Picardie à l’issue des élections des 6 et 13 décembre, envisage de fusionner les listes des socialistes et des Républicains pour faire barrage au Front national.
L’idée de Manuel Valls, ouvertement évoquée lors d’un déjeuner avec des journalistes mardi, n’en finit pas de faire des vagues, surtout au sein du PS. Le Premier secrétaire du parti Jean-Christophe Cambadélis appelle, ce jeudi 12 novembre, à la “cohérence”. “Je n’ai pas l’habitude de mettre mon caleçon après mon pantalon. Il faut faire les choses dans l’ordre. Il y a un premier tour et un deuxième tour. J’appelle l’ensemble des socialistes à se concentrer sur le premier tour. Tous les socialistes. Parce que trop de confidences nuit à la cohérence. La cohérence, c’est de battre la droite et l’extrême-droite dès le premier tour”, a-t-il martelé sur RFI.
Pour la maire de Lille Martine Aubry, interrogée par Europe 1, “on voudrait faire gagner le FN qu’on ne s’y prendrait pas autrement”. Quant au candidat tête de liste PS dans la région Pierre de Saintignon, il s’agace : “De grâce, laissons-nous travailler, laissons-nous agir auprès de nos concitoyens, et puis cessons ces petites phrases qui jettent le trouble et qui nuisent à notre campagne. Donc, assez, stop !”, a-t-il enjoint ce jeudi.
Au-delà du PS, Manuel Valls ne convainc guère non plus. Pour l’écologiste Cécile Duflot, “c’est se tirer des balles dans le pied”. La patronne du parti EELV Emmanuelle Cosse parle d'”impuissance”.
À droite, François Fillon juge que la fusion “n’a aucun sens”. “C’est la meilleure façon de faire monter le FN encore un peu plus”, dénonce l’ancien Premier ministre. Dans l’entourage de Xavier Bertrand, tête de liste Les Républicains face à Marine Le Pen, on juge que Manuel Valls ne sait “plus quoi inventer pour maquiller la défaite annoncée du PS”.
En revanche, le FN jubile. “L’UMPS est né dans la bouche de Manuel Valls et le sera dans les faits entre les deux tours en décembre”, a réagi Marine Le Pen sur France Bleu Nord jeudi. “Je suis très heureuse, il y aura d’un coté les patriotes et de l’autre l’UMPS décomplexé”, prédit la présidente du FN. “Nous quitterions enfin l’imposture du faux clivage gauche-droite pour aller vers le vrai clivage, celui qui oppose patriotes et mondialistes”, renchérit le parti frontiste.
Manuel Valls trouve toutefois quelques voix pour le soutenir dans son camp, chez les réformateurs du PS. “Les propositions qui envisagent un certain nombre de scénarios possibles au second tour sont aussi des discours qui rendent utiles le vote au premier tour”, estime le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen. Selon lui, la “tripolarisation” du paysage politique (gauche, droite et FN) “n’est pas rentrée dans nos esprits, les commentateurs et les acteurs politiques n’ont pas pris la mesure de ce que signifiait le fait que nous soyons dans une offre politique tripolaire et non plus bipolaire gauche-droite comme avant”.
Le Premier ministre, de son côté, reste droit dans ses bottes. “Il faut envisager toutes les possibilités, y compris celle d’une coalition en cas de score très élevé du FN. La question d’un retrait pour la droite comme pour la gauche peut ne pas être suffisante”, défend un proche de Manuel Valls jeudi. Interrogé sur le risque d’accréditer l'”UMPS” dénoncée par le Marine Le Pen, le chef du gouvernement assure : “Je ne rentre pas du tout dans ce langage. Précisément, à un moment, face au FN, il faut assumer”, estime le Premier ministre.
François Hollande, enfin, n’a pas souhaité réagir. “Le président se tient à distance de ces élections régionales. Il n’a pas vocation à faire campagne, tout absorbé qu’il est, qui plus est, par la COP21″, indique son entourage à l’Élysée.