Comment financer le culte musulman sans qu’il dépende de pays étrangers ? La question revient sur le devant de l’actualité ces derniers jours. Le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Anouar Kbibech, a expliqué lundi que la mise en place d’une “taxe halal”, qu’il qualifie plus de “contribution ou redevance”, serait “un levier intéressant”. L’idée est soutenue, de droite à gauche, par Nathalie Kosciusko-Morizet, François Bayrou ou encore Benoît Hamon.
Le gouvernement cherche à “reconstruire une capacité de financement française” du culte musulman, selon les propos de Manuel Valls. Vendredi dans les colonnes du Monde, le Premier ministre s’est dit “favorable” à une interdiction temporaire du financement étranger des mosquées, rappelant qu’il “y a plus de dix ans, une fondation (la Fondation pour l’islam de France, ndlr) a été créée pour réunir en toute transparence les fonds nécessaires”. “Son échec est total”, a-t-il estimé. “Il ne doit pas nous décourager”.
Manuel Valls n’a, pour l’instant, pas avancé d’autres sources de financement autonomes. Mais une idée semble gagner du terrain ces derniers jours : l’instauration d’une “taxe” (ou d’une redevance) sur les produits certifiés “halal”. L’idée n’est pas neuve mais semble plaire à droite comme à gauche. Sur BFMTV, le président du CFCM, Anouar Kbibech, a expliqué que la proposition “existe depuis la création” de son instance et qu’elle a déjà “abouti à une première étape qui est la signature d’un référentiel religieux de la charte halal du CFCM”. Elle serait, selon lui, “un levier intéressant pour le financement du culte musulman”.
Cette redevance ne serait pas une taxe perçue par l’État – la législation ne le permet pas – mais une contribution pour service rendu perçue par les instances musulmanes, à partir d’un secteur d’activité évalué à plus de 5 milliards d’euros par an. Selon un rapport d’information rendu par le Sénat début juillet, elle n’est “envisageable que si elle est mise en place par les représentants du culte eux-mêmes, comme une redevance privée pour services rendus”. La définition du périmètre des produits certifiés halal, qui peut être extensible, devra également être tranchée.
Le 28 juillet, le député des Yvelines Benoît Hamon avait soutenu ce choix : “La taxe sur le halal – dès lors qu’elle est contrôlée par un compte de la Caisse des dépôts, contrôlée dans son usage en lien avec ce que serait cette autorité du culte musulman – pourrait être un principe sur lequel on s’engage”, avait estimé l’ancien ministre sur BFMTV. Selon lui, un tel dispositif permettrait de “tarir les sources de financement qui viennent de l’étranger” et de “maîtriser en toute transparence les conditions dans lesquelles on construit et on entretient des lieux de culte”.
NKM VEUT UNE TAXE À 1%
Pour le président du MoDem, François Bayrou, une taxe sur la certification halal serait “probablement une réponse”. “Je pense que la question du financement est une question qui est urgente pour la société française, parce qu’il n’est pas possible d’avoir une religion qui soit financée de l’extérieur par des autorités politiques qui soient extérieures aux autorités françaises”, a déclaré lundi le maire de Pau sur France Info.
“Mais si on pose cette question, alors il y en a une autre à poser, qui est quel financement pour remplacer ces financements extérieurs et pour qu’on trouve un meilleur équilibre”, a-t-il poursuivi. “On a une fondation (la Fondation pour l’islam de France, ndlr) qui ne marche pas depuis 10 ans, (…
dont il faut revoir la légitimité des représentants et dont il faut revoir les sources de financement”, a expliqué l’ancien candidat à l’élection présidentielle.
Nathalie Kosciusko-Morizet plaide également depuis plusieurs mois pour une “taxe halal”. Son idée ? Un prélèvement de 1% sur les produits certifiés halal. La contribution rapporterait, selon ses calculs, près de 60 millions d’euros par an.
D’AUTRES PISTES DE FINANCEMENT
Le CFCM dit aussi avoir commencé à étudier une autre piste : une redevance sur le grand pèlerinage à La Mecque, le hajj. “Il y a à peu près 30.000 pèlerins venant de France chaque année, dont les coûts de voyage vont de 4.000 à 9.000 euros. Le fait de rajouter 10 ou 20 euros par séjour comme contribution au financement du culte devrait être indolore pour les pèlerins, transparent pour les agences et les opérateurs du pèlerinage, et permettre au CFCM et au culte musulman d’avoir les moyens de leur fonctionnement”, estime Anouar Kbibech.
Dans une interview accordée au Monde, la sénatrice UDI de l’Orne et rapporteur de la mission d’information sur le sujet, Nathalie Goulet, a cependant remis en cause ces idées. Selon elle, la question du financement des mosquées est “accessoire”. “C’est une imposture de laisser penser que le problème peut se régler comme ça”, estime-t-elle. La priorité doit être mise sur la formation des imams, ajoute-t-elle, rappelant que “la radicalisation se fait, statistiquement, rarement à la mosquée” mais plus sur internet et les réseaux sociaux.
Sur RMC, le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon a lui estimé que “ce n’est pas à l’État de s’immiscer dans le financement d’un culte”..