Les partis pro-occidentaux ukrainiens, forts d’une victoire écrasante aux législatives, s’attelaient lundi à surmonter leurs différences pour former une coalition, pressés par la reprise de combats dans l’Est séparatiste.
Le fief des séparatistes prorusses, Donetsk, s’est réveillé au son des tirs de lance-roquettes multiples Grad, mettant fin à un week-end d’accalmie dans les combats qui ont fait au total plus de 3.700 morts depuis avril, et rappelant la fragilité du dialogue engagé.
Les forces ukrainiennes ont fait état de leur côté de tirs de roquettes contre leurs positions près de la ville côtière de Marioupol, qu’elles contrôlent, touchant des habitations civiles. Elles ont également annoncé la mort de deux soldats dans la région de Lougansk lors du ravitaillement de troupes en difficultés, les premiers tués dans l’armée en une semaine.
Le président Porochenko a interprété le succès obtenu par les forces pro-occidentales au scrutin de dimanche comme un vote de confiance pour son plan de paix, au détriment du camp favorable à une offensive d’ampleur.
L’instauration d’un cessez-le-feu le 5 septembre, négocié avec la participation de la Russie, n’a pourtant pas permis une fin totale des combats et a été critiquée par une partie de la population comme une capitulation face aux insurgés, soutenus militairement selon Kiev et l’Otan par Moscou.
– Nécessité de compromis –
Les résultats portant sur la moitié des bulletins confirment le score sans précédent depuis l’indépendance de 1991 (près de 70% des voix), recueilli par les cinq principales listes favorables à un rapprochement avec l’Union européenne, pour certaines nationalistes.
Mais ils signifient aussi que le chef de l’État, élu en mai dès le premier tour, ne pourra gouverner seul et devra accepter des compromis notamment avec son Premier ministre Arseni Iatseniouk, ferme face à Moscou mais rompu aux négociations avec les bailleurs de fonds internationaux du pays. Le Bloc Petro Porochenko (21,6%) est au coude à coude avec le Front Populaire (21,4%) de son Premier ministre Arseni Iatseniouk, qui voit ses chances d’être reconduit renforcées. Suit Samopomitch (11%), formation composée de jeunes militants et combattants de retour du front.
Ces deux derniers partis sont partisans d’une position ferme face aux séparatistes et à Moscou, sans être considérés comme des “partis de la guerre” comme sont parfois surnommés le Parti Radical (7,4%) du populiste Oleg Liachko ou Batkivchtchina (5,7%) de l’ex-Premier ministre Ioulia Timochenko.
Les anciens alliés de M. Ianoukovitch se maintiennent via le Bloc d’Opposition (9,8%), ce qui n’était pas acquis vu la défiance pour le régime de l’ancien président. Mais fait historique, le Parti communiste (3,9%), dénoncé par M. Porochenko comme la “cinquième colonne” de Moscou, n’atteint pas la barre des 5% nécessaire pour entrer au Parlement.
– Satisfaction de l’UE –
Après le renversement de son président prorusse Viktor Ianoukovitch, l’annexion de la Crimée par la Russie et l’émergence de l’insurrection séparatiste dans l’Est, le pays semble tourner le dos à son passé soviétique. Une partie des régions de l’Est, traditionnellement prorusses, n’ont toutefois pas pu voter, échappant au contrôle des autorités de Kiev, et organisent leur scrutin le 2 novembre.
Ces résultats ont été qualifiés par l’Union européenne comme une “victoire de la démocratie et du programme de réformes européennes” et salués notamment dans l’ancien bloc soviétique.
“Ni la guerre qui continue ni les tentatives d’inonder le peuple de mensonges ne peuvent changer le cours de l’histoire. Le choix (fait par les électeurs) montre que l’Ukraine est prête à dire adieu au passé et à suivre résolument la voie européenne”, a déclaré à l’AFP le ministre lituanien des Affaires étrangères Linas Linkevicius.
Moscou a prudemment salué une victoire des partisans d’un “règlement pacifique” du conflit, par la voix du vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine.
La presse russe a souligné cependant les divisions entres les forces pro-occidentales, définitivement installées au pouvoir près d’un an après l’émergence de la contestation du Maïdan, et en premier lieu à se mettre d’accord.
Des négociations se sont ouvertes lundi entre le mouvement du président et celui du chef du gouvernement, a annoncé Iouri Loutsenko, un proche de Petro Porochenko.
Le mouvement présidentielle s’est dit prêt à les ouvrir à Samopomitch, Batkivchchtina et aux nationalistes de Svoboda, au score décevant malgré leur engagement sur le Maïdan.
Après avoir rencontré le président dimanche soir, M. Iatseniouk a assuré qu’une coalition serait formée “dans les délais les plus brefs pour que le gouvernement, le nouveau parlement réalisent rapidement les réformes indispensables au pays”, rongé par la corruption, en profonde récession et sous perfusion financière.
Le temps presse pour le pouvoir ukrainien, qui doit voter des réformes radicales destinées à sortir l’Ukraine d’une profonde récession, à lutter contre une corruption endémique et à la rapprocher de l’Union européenne. Avec l’arrivée de l’hiver, il doit aussi régler le conflit qui la prive de gaz russe depuis juin.