La trêve des combats décrétée mardi en Ukraine semblait être globalement respectée par l’armée et les rebelles prorusses, mais les négociations de paix prévues à Minsk visant à mettre fin à huit mois de conflit meurtrier ont été reportées.
Un silence inhabituel s’est instauré en fin de matinée dans le fief rebelle de Donetsk, malgré quelques bombardements sporadiques, selon des journalistes de l’AFP sur place.
Et alors que les autorités ukrainiennes déploraient la mort de six soldats et de deux civils lors des dernières 24 heures précédant la trêve, le président ukrainien Petro Porochenko s’est félicité depuis Singapour de l’absence de nouvelles victimes depuis le début de la trêve.
“Nous n’avons aucun soldat tué”, a-t-il déclaré lors d’une conférence publique à Singapour.
Les militaires ukrainiens n’ont rapporté que plusieurs bombardements isolés et les rebelles ont fait de même. “Nous espérons que cette fois-ci la trêve sera durable”, a déclaré à l’AFP Denis Pouchiline, président du “Parlement” de la République autoproclamée de Donetsk.
Un combattant du mouvement ultranationaliste paramilitaire Pravy Sektor basé dans la localité de Pisky, près de l’aéroport de Donetsk, a toutefois indiqué à l’AFP que l’aéroport avait essuyé des tirs d’artillerie lourde.
Si ce nouveau cessez-le-feu — le quatrième en huit mois — est respecté, les parties du conflit devraient à priori commencer dès mercredi le retrait d’armes lourdes de ligne du front pour créer une zone tampon large de 30 kilomètres.
Autre signe d’apaisement, le chef des garde-frontières ukrainiens a indiqué sur son compte Twitter que les troupes russes stationnées à la frontière entre la péninsule de Crimée annexée en mars par la Russie et le reste de l’Ukraine ont commencé à se retirer.
– ‘Levée du blocus’ –
Sur le plan diplomatique, les négociations de paix prévues mardi à Minsk ont en revanche été reportées sine die.
“Aujourd’hui, il n’y aura rien”, a indiqué à l’AFP le porte-parole de la diplomatie ukrainienne Evguen Perebyinis.
La nouvelle date sera déterminée mercredi lors d’une vidéo-conférence, a ajouté M. Pouchiline selon lequel la rencontre pourrait avoir lieu “cette semaine”.
Selon lui, les séparatistes exigent que les négociations portent notamment sur la “levée du blocus économique” de la zone sous contrôle rebelle dont Kiev a entièrement stoppé le financement.
“La date peut être fixée dès qu’on se met d’accord sur l’agenda” de cette rencontre, a dit M. Pouchiline.
Les autres demandes des rebelles portent sur l’échange de prisonniers ainsi que la “mise en oeuvre” de deux lois ukrainiennes prévoyant l’amnistie pour certains combattants rebelles et donnant davantage d’autonomie aux territoire sous leur contrôle, selon la même source.
Ce dernier point témoigne d’un tournant dans la position des rebelles, qui avaient rejeté ces lois après leur adoption en septembre arguant que la législation ukrainienne n’était pas appliquée sur le territoire des deux républiques autoproclamées.
Ce volte-face pourrait refléter la nouvelle politique de la Russie dont le soutien affiché au rebelles a déclenché une crise sans précédent dans ses rapports avec l’Occident et lui a valu de grosses pertes économiques.
– Changement de tactique à Moscou ? –
Même l’Allemagne, jusqu’alors un des pays les plus enclins à poursuivre le dialogue avec Moscou, a fini par changer de ton. La chancelière Angela Merkel a accusé à nouveau mardi la Russie d’avoir “enfreint le droit international, et de continuer à le faire” tout en estimant qu'”une solution diplomatique” à la crise ukrainienne était toujours possible.
“La Russie ne s’attendait pas à un changement si profond de l’attitude de l’Europe et surtout de l’Allemagne”, a estimé Kadri Liik, une experte de l’institut European Council on Foreign Relations à Bruxelles.
Moscou “commence lentement à se rendre compte que les choses n’ont pas marché comme prévu. La question est de savoir si l’Europe et plus particulièrement l’Allemagne arrivent à lui faire accepter une solution sauvant la face”, a ajouté Mme Liik.
Or le quotidien d’opposition russe Novaïa Gazeta a affirmé lundi que le Kremlin a changé son approche sur le sort de l’Est de l’Ukraine et cherche à remettre ces territoires sous le contrôle de Kiev “sous condition d’une certaine autonomie”.
Vladislav Sourkov, l’un des conseiller les plus influents du président russe Vladimir Poutine, serait chargé de réaliser ce projet, soutien le journal.