Pour 9,99 euros par mois, le géant de l’édition propose à ses abonnés d’avoir un accès “illimité” à sa bibliothèque. Une offre agressive qui soulève autant de questions pour les lecteurs que les auteurs. Amazon repart à l’assaut du marché français avec sa nouvelle offre “Kindle Unlimited”, déjà lancée aux Etats-Unis et dans quelques pays européens. Ce service propose un accès “illimité” à son catalogue de livres numérique pour 9,99 euros par mois (0,99 euro le premier mois). Mais ce “Netflix du livre”, qui tente de substituer une lecture par abonnement à l’achat traditionnel, soulève de nombreuses questions, autant pour les potentiels clients que pour les auteurs et les maisons d’édition. Faut-il vous abonner? Voici quelques réponses pour vous faire une opinion.
L’abonnement illimité, quels limites?
Kindle Unlimited ne vous permet de télécharger que 10 ouvrages simultanément, que vous supprimés une fois terminés (ou délaissés). Ne pensez pas pouvoir vous abonner un mois, télécharger des centaines d’ouvrages et les lire plus tard.
De plus, vous n’achetez pas un droit de consultation à vie, pas plus qu’un transfert de propriété. Unlimited est une “bibliothèque” virtuelle privée. Vous ne faites qu’empruntez. Les livres ne vous appartiennent pas et le jour où vous arrêtez votre abonnement, l’accès à vos livres disparaît avec.
Avec quel appareil?
Le service sera disponible sur tous les supports, et pas seulement les liseuses Kindle et Fire, mais aussi sur mobiles et tablettes (Androïd, iOS) grâce à l’application -gratuite- de lecture Kindle.
Quel choix de livres?
Le géant américain promet de lever toutes les limites à votre appétit de lecture. Mais son offre risque de vous paraître assez faible. Car si le géant américain propose bien un catalogue de 700 000 e-books, en fait, seuls 20 000 d’entre eux sont en français. Sans compter qu’une bonne partie des ouvrages provient de la plateforme d’auto-édition Kindle Direct Publishing, dont la qualité est très variable. Parfois excellente, parfois… discutable.
Si vous y trouverez la saga Harry Potter, les ouvrages édités par les maisons d’édition Eyrolles, la Murardine, ou encore Bragelonne, vous ne pourrez en revanche pas consulter de nombreux best-seller, comme L’Express a pu constater.
Pas de Patrick Modiano, pas de Lydie Salvayre, pas de Foenkinos ni de Musso ou de Katherine Pancol… La liste est longue. La raison est très simple, tous le grands éditeurs français -Hachette, Editis, Gallimard/Flammarion…- sont encore frileux à l’idée de s’associer avec le géant américain.
Pourquoi les éditeurs sont-ils frileux?
D’abord parce que les relations entre Amazon et les éditeurs depuis la loi Fillippetti -et son contournement par des frais de port à 1 centime- se sont refroidies. Ensuite, et surtout, parce qu’ils redoutent la concurrence d’une offre qui s’attaque à leur modèle économique historique, la vente de livres, sans forcément offrir des revenus de compensation équivalents. On ne connaît pas les conditions proposées par Amazon aux éditeurs.
Sy ajoutent les incertitudes juridiques qui entourent le projet dans notre pays. La loi sur le prix unique du prix numérique en France stipule que ce sont les éditeurs qui doivent fixer le prix dans le cas “d’offres groupées” (voir l’article 2). Or, toute la stratégie d’Amazon consiste à démontrer qu’il s’agit d’un prêt avec accès au catalogue mais pas d’un achat. Pas sûr que le législateur soit du même avis.
Et c’est bien pour les auteurs?
“Il y a un grand flou quant à la rémunération des auteurs avec ce système d’abonnement”, explique à l’AFP le président du Centre national du livre (CNL) Vincent Monadé.
Car les auteurs ne sont pas automatiquement rémunérés à chaque emprunt. Il faut que le lecteur parcoure au moins 10% du livre. Comment exactement ces 10% sont calculés (temps, pages tournées etc.) ? Mystère. Sans oublier que le récent accord entre le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains évoque une rémunération des auteurs dans le cadre d’offres d’abonnement, mais à condition qu’elle provienne d’un éditeur. Pour ces derniers, c’est plus clair: chaque fois qu’un titre est emprunté via Unlimited, les éditeurs sont rétribués comme si le livre était acquis au détail.
Qui est visé par cette offre?
Est-il utile de dire, pour finir, que seuls les gros lecteurs pourront trouver leur compte avec cet abonnement ? A 9,99 euros par mois, il vous faudra lire au moins un ou deux livres par mois… à condition de les trouver dans le choix qui vous est proposé. Pour les lecteurs plus occasionnels, vous pouvez évidemment passer votre chemin.
L’offre d’Amazon a au moins le mérite de relancer le débat sur la licence globale, que bon nombre de majors et éditeurs ont accusée d’être “impossible”. Après Spotify -musique illimitée pour 10 euros par mois- et Netflix -9 euros mensuels pour les séries et films illimité-, le secteur privé nous prouve finalement que non. Même si le débat reste ouvert de savoir si tous les acteurs y trouvent leur compte.