Occuper une profession “complexe” en termes de relations humaines ou de traitement des données protègerait la mémoire, entre autres fonctions cognitives, une fois arrivé à 70 ans. Des chercheurs écossais observent un lien entre la complexité du métier que l’on exerce et le maintien des capacités cognitives une fois âgé. Pourquoi certaines personnes perdent-elles la mémoire plus tôt que d’autres? Comment éviter de voir décliner son cerveau à partir de 70 ans et au-delà ? La question occupe plus que jamais les chercheurs. Mi-novembre, une équipe de l’université écossaise Heriot-Watt a apporté une nouvelle pierre au débat. Son étude publiée dans Neurology, la revue de l’académie américaine de neurologie, s’intéresse au lien entre le métier exercé au cours de la vie active et les capacités cognitives une fois âgé, comme la mémoire ou la vitesse de réaction.
Les trois scientifiques s’appuient sur une cohorte de 1091 personnes nées en 1936 et soumises au même test à l’âge de 11 ans, puis de 70 ans: savoir se repérer, former des phrases, résoudre des exercices de maths, déchiffrer des codes, etc. Ils ont étudié les résultats, puis les ont croisés avec les différents degrés de complexité attribués aux métiers dans trois domaines: le travail sur les données, avec d’autres personnes ou avec des objets.
Synthétiser ou coordonner des données est par exemple considéré comme plus complexe que de les comparer ou de les recopier. Même principe pour les relations humaines: conseiller, négocier et enseigner est jugé plus stimulant pour le cerveau que recevoir des instructions ou de servir.
Avocat, travailleur social, chirurgien…
Une fois neutralisé l’effet de certaines prédispositions – les personnes avec les meilleures fonctions cognitives dans l’enfance ont eu plus de chances d’occuper des métiers “complexes” -, les chercheurs observent bien un effet positif de certains métiers sur le cerveau. “La complexité du travail exercé avec d’autres personnes et autour de données est associée à de meilleures performances cognitives à l’âge de 70 ans”, concluent-ils.
Parmi les professions les plus bénéfiques, on trouve “avocat, travailleur social, chirurgien, officier de probation”, mais aussi “architecte, ingénieur, graphiste et musicien”, Alan J. Gow, co-auteur de l’étude. A l’inverse, “ouvrier, relieur, peintre, poseur de tapis, maçon, chauffeur de bus, opérateur de téléphone ou serveur dans des cantine” sont considérés comme moins complexes selon les deux critères, et moins protecteurs.
Une “réserve cognitive” à explorer
Mais les chercheurs n’ont pas fini de plancher sur le sujet. “Les mécanismes sous-jacents [de la corrélation] ne sont pas complètement compris, précisent-ils, même s’il est suggéré que des environnements stimulants accroissent la ‘réserve cognitive’, qui protège de façon significative contre les effets du vieillissement – normaux ou pathologiques – sur le cerveau.”
D’autant que leur travail est encore limité, reconnaissent-ils. La classification des métiers par complexité ne rend pas compte de la façon dont chaque salarié l’a exercé, du degré d’engagement ou des conditions d’exercice. Début novembre, une étude française avait par exemple montré l’effet délétère des horaires décalés sur la mémoire ou l’attention. Quant aux effets d’un parcours “stimulant” sur le cerveau à un âge très élevé, ils font toujours débat.