Après sept mois d’hibernation, Philae est de nouveau opérationnel. Le petit robot a profité d’un réchauffement de la comète Tchouri, qui se rapproche du Soleil, pour recharger ses batteries. L’engin a pu transmettre sur Terre, via la sonde Rosetta, des données durant une quarantaine de secondes, samedi 13 juin. Ainsi requinqué, le robot pourra-t-il reprendre sa mission ? Eléments de réponse avec François Raulin, professeur à l’université Paris-Est-Créteil, qui est responsable d’une des fonctionnalités de Philae.
Que contiennent les données transmises par Philae ce week-end ?
François Raulin : Elles indiquent des choses très simples comme la température, l’état des batteries, leur puissance et, plus généralement, à quel degré Philae est exploitable. Ces données ne donnent aucun renseignement sur les instruments de Philae, en particulier Cosac (en anglais), celui sur lequel je travaille. Maintenant que les batteries peuvent se recharger, on va pouvoir interroger de nouveau Philae et voir dans quel état se trouve chaque instrument.
Quelles vont être les prochaines tâches de Philae ?
Il est encore trop tôt pour le savoir. Les scientifiques en charge du projet doivent se mettre d’accord, ces prochains jours, sur les étapes à fixer sur la durée, et leur priorité. Il faut que l’on regarde ensemble quels sont les instruments à bord, parmi la dizaine attachés à Philae, qui sont en état de marche et ce que l’on peut faire avec. L’outil Cosac, par exemple, doit permettre d’analyser des échantillons de gaz recueillis à la surface de Tchouri. Mais cela risque d’être compliqué de l’activer rapidement car il nécessite de la puissance, donc de l’énergie. Par ailleurs, Philae est coincé dans son petit trou, et on ne sait pas à quelle distance du sol se trouve la mèche de la foreuse. Tout cela reste à préciser.
Combien de temps Philae va-t-il pouvoir travailler ?
Il faut que la température sur la comète, qui est actuellement d’environ – 35°C, reste favorable pour que les batteries puissent se recharger, ce qu’elles commencent à faire à – 60°C. Tchouri passera vers juillet-août à son point le plus proche du Soleil, ce qu’on appelle le périhélie. La durée d’activité se compte en semaines, peut-être en mois. Le problème, c’est que Rosetta doit être aussi dans de bonnes conditions pour transmettre les données. Avec la chaleur, la comète risque de produire davantage de débris. Si la sonde se rapproche trop de Tchouri, le système qui lui permet de se repérer dans l’espace pourrait être perturbé par ces “déchets”. Il faudra rester très vigilant.
Les aventures de Philae, début du Tome 2
Le petit robot européen Philae, qui s’est réveillé ce week-end après sept mois d’hibernation sur la comète “Tchouri”, devrait reprendre progressivement ses aventures scientifiques alors que son hôtesse file vers le Soleil, escortée par la sonde Rosetta.
Ce trio inédit laisse espérer de grandes avancées dans la connaissance des comètes. L’objectif de la mission de l’Agence spatiale européenne (ESA) est de mieux comprendre l’évolution du système solaire depuis sa naissance, les comètes étant considérées comme des vestiges de la matière primitive.
“Mais pour le moment nous cherchons à améliorer la communication avec Philae. Nous ne pensons pas encore trop à la science”, a déclaré lundi à l’AFP Philippe Gaudon, chef du projet Rosetta au CNES, l’agence spatiale française, à Toulouse (sud de la France).
Muni de dix instruments, le robot-laboratoire, qui a réalisé le 12 novembre une première historique en atterrissant sur le noyau d’une comète, avait travaillé pendant 60 heures avant de s’assoupir faute d’un ensoleillement suffisant pour permettre à ses batteries solaires de fonctionner.
Depuis il ne donnait plus de signe de vie. Il a créé la surprise en parvenant dans la nuit de samedi à dimanche à rentrer pendant deux minutes en contact avec Rosetta.
Il a réussi à communiquer une deuxième fois pendant quatre minutes la nuit suivante. Le nouveau contact a été établi dimanche entre 21H22 GMT (23H22 heure française) et 21H26 GMT, précise M. Gaudon.
“Cette fois-ci, Philae nous a envoyé moins de données mais des données plus récentes”, a ajouté M. Gaudon.
La comète tourne sur elle-même en 12H40, ce qui devrait permettre en théorie de pouvoir communiquer avec le robot deux fois par jour terrestre. Mais cela dépend aussi de la position de Rosetta car c’est elle qui récupère les signaux de Philae pour les transmettre à la Terre.
“Nous ne recevons pas les données de façon régulière, ni en grande quantité, probablement parce que Philae est loin de Rosetta”, a expliqué à l’AFP Mark McCaughrean, conseiller scientifique à l’ESA.
– Changer le plan de vol –
La sonde, qui a largué le module sur la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko après dix ans de voyage dans l’espace, est actuellement à environ 180 kilomètres d’elle.
Elle se tient désormais à une distance respectueuse car “Tchouri” rejette de plus en plus de gaz et de poussières (dégazage) à mesure qu’elle se rapproche du Soleil. La comète est pour le moment à 210 millions de kilomètres de l’astre et elle devrait être au plus proche de lui le 13 août.
Pour améliorer la communication entre Philae et Rosetta, il faudrait que la sonde modifie rapidement son plan de vol, souligne M. Gaudon.
“Nous allons aussi demander à l’ESA que la sonde se rapproche un petit peu” de la comète. Cela veut dire “prendre un peu plus de risques”. Les responsables de la mission Rosetta “sont en train d’étudier” cette possibilité.
Les premiers contacts ont été trop courts pour permettre d’envoyer des ordres à Philae afin qu’il se remette au travail.
“Pour l’instant, nous vérifions que le robot fonctionne bien sur le plan de la température, de l’énergie et de l’électronique de vol -son +cerveau+”. “Ce n’est que lorsque nous aurons un quart d’heure de communication avec lui que nous pourrons lui envoyer des commandes pour qu’il fasse de la science”, souligne M. Gaudon.
“Il devrait commencer alors par des activités simples et peu consommatrices d’énergie: relevé des températures de la comète, quantité d’électrons au sol et dans les gaz”. Puis il devrait être chargé de faire des images.
Ce n’est que plus tard qu’il pourrait recevoir l’ordre de faire un forage à la surface du noyau de la comète dans l’espoir de trouver des molécules organiques qui ont pu jouer un rôle dans l’apparition de la vie sur Terre.
En novembre, Philae qui est coincé à l’ombre, entre des falaises, avec une de ses trois pattes à l’air, avait tenté un forage mais celui-ci n’avait rien ramené. “Nous allons regarder si nous pouvons tourner un peu le robot”, indique Mark McCaughrean.