Samedi est un jour de protestation partout en France. Plusieurs dizaines de manifestations sont prévues pour contester la prolongation de l’état d’urgence et le projet de déchéance de nationalité.
À Paris, les manifestants ont défié la pluie battante pour venir exprimer leur mécontentement. Le défilé est parti de la place de la République ce samedi 30 janvier à 14h30, pour rejoindre le Palais-Royal.
Les protestataires comptent ainsi dénoncer le projet de déchéance de la nationalité et l’état d’urgence, alors qu’un projet de loi le prolongeant sera examiné dans les jours qui viennent au Parlement.
Outre le défilé parisien, des rassemblements sont prévus dans toute la France, à l’appel des collectifs “Nous ne céderons pas” et “Stop état d’urgence”, qui regroupent notamment des syndicats (CGT, FSU, Syndicat de la magistrature), des associations (Attac, Droit au logement, Droits devant, Mrap) et des organisations de défense des droits de l’homme – Ligue des droits de l’homme (LDH) et Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH).
Ces organisations demandent la levée immédiate de l’état d’urgence, instauré après les attentats de novembre 2015, et l’abandon du projet de déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour des activités terroristes, “des mesures qui heurtent et mettent à mal nos libertés au nom d’une hypothétique sécurité”, selon un communiqué des collectifs. C’est sur ce “désaccord politique majeur” que la garde des Sceaux Christiane Taubira a démissionné mercredi.
“L’état d’urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l’exercice de la citoyenneté et le débat public”, jugent les collectifs, pour qui “depuis 1986, les lois accordant plus de pouvoirs aux forces de l’ordre, organisant une justice d’exception et restreignant nos libertés, au prétexte de lutter contre le terrorisme, s’empilent”.
Les manifestations sont organisées alors que le gouvernement veut prolonger de trois mois supplémentaires l’état d’urgence, qui devait prendre fin le 26 février. Le projet est présenté mercredi en conseil des ministres.
Annoncé dès le soir des attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés, l’état d’urgence avait été prolongé à une écrasante majorité pour trois mois le 26 novembre par le Parlement.
Sa nouvelle prolongation, jusqu’à fin mai, qui sera débattue et votée le 9 février au Sénat, puis le 16 février à l’Assemblée nationale, est plus controversée, des partis de gauche et des associations de défense des droits de l’homme et des libertés publiques s’inquiétant d’un risque de pérennisation de ce régime d’exception.
Par ailleurs, le gouvernement prépare un projet de révision constitutionnelle, examiné en séance à partir du 5 février au Palais Bourbon. Il prévoit d’inscrire dans la Constitution l’état d’urgence, pour le sécuriser sur le plan juridique et l’encadrer selon l’exécutif, ainsi que l’extension de la déchéance de nationalité pour les personnes “condamnées” pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation”, autre mesure vivement contestée.
L’extension de la déchéance de nationalité ne comprendra finalement “aucune référence” aux binationaux pour ne pas les “stigmatiser”, a annoncé mercredi Manuel Valls, même si, en pratique, ils pourraient rester seuls exposés à cette mesure fracturant la gauche.
La révision de la Constitution exigera, pour être adoptée définitivement, un vote sur la même version dans les deux chambres et une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Congrès.