Bruxelles ne croit pas que la France tiendra ses objectifs budgétaires l’an prochain, et estime même que la situation va s’aggraver en 2016, éloignant le scénario d’un retour sous 3% l’année suivante, comme le promet Paris.
A politique inchangée, la France aura donc en 2016 le déficit le plus élevé de toute la zone euro, selon les prévisions de la Commission européenne publiées mardi.
Dans ses prévisions d’automne, elle prévoit un déficit à 4,4% en 2014, 4,5% en 2015 et 4,7% en 2016, alors que le gouvernement français prévoit 4,3% l’an prochain et un retour à l’objectif de 3% en 2017, année électorale.
Ces mauvais chiffres “sont largement dus à une croissance toujours modeste et certaines mesures comme une nouvelle hausse du coût du Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE, dispositif de baisse du coût du travail) et des réductions d’impôt pour les ménages à faible revenu”, indique la Commission dans son rapport sur la France.
L’exécutif européen a fondé son analyse sur le plan d’économies de 21 milliards d’euros annoncés par la France pour 2015, mais “certaines de ces mesures, autour de 2 milliards d’euros, n’ont pas été suffisamment détaillées pour être intégrés dans ces nouvelles prévisions économiques”.
Qui plus est, les mesures nouvelles présentées par la France dans son projet de budget 2015, en cours d’examen par la Commission, n’ont pas non plus été prises en compte. Paris a annoncé la semaine dernière des “mesures nouvelles” qui permettront de réduire son déficit public de 3,6 à 3,7 milliards d’euros de plus que prévu, pour satisfaire Bruxelles.
La Commission européenne a décidé la semaine dernière de ne pas rejeter le projet de budget de la France pour 2015, comme elle en a le pouvoir, après l’annonce in extremis par Paris de ces nouvelles mesures qui seront inscrites au projet de loi de finances rectificatif du 12 novembre. L’Italie était également sur la sellette.
Mais elle n’a pas exclu de demander la semaine prochaine, également le 12 novembre, des “mesures supplémentaires” de réduction du déficit à certains pays, menaçant même d’imposer des amendes en cas de non-respect des règles.
– Voyants au rouge –
Les autres voyants sont au rouge pour la France. La Commission a nettement revu à la baisse ses prévisions de croissance, à 0,3% cette année (contre 1,0% prévu au printemps) et 0,7% en 2015, avant une accélération à 1,5% en 2016. En mai, Bruxelles prévoyait encore une croissance de 1,5% en 2015.
En cause: une demande intérieure à la peine et des difficultés à l’export. La reprise devrait se matérialiser en 2016, soutenue par la consommation, le moteur traditionnel de l’activité en France.
Mais le climat des affaires risque de rester faible malgré la clarification du gouvernement français quant à sa stratégie économique, souligne l’exécutif européen. En outre, les retombées du CICE et du pacte de responsabilité (qui prévoit 40 milliards d’euros d’aides publiques pour les entreprises en échange de contreparties en matière d’emploi) ne vont pas prendre forme “avant 2016″, prévient Bruxelles.
Toutes ces mauvaises nouvelles conjuguées vont contribuer à alourdir la dette publique, qui doit passer de 95,5% du PIB cette année à 98,1% en 2015 et frôler les 100% (99,8%) en 2016.
Sur le front du chômage, l’horizon n’est guère plus dégagé: il devrait stagner à 10,4% cette année et en 2015, avant un léger reflux en 2016, à 10,2%.
La présentation des prévisions de la Commission, puis l’évaluation des budgets la semaine prochaine, sont vues comme des tests pour Pierre Moscovici, le nouveau commissaire aux Affaires économiques. Avant d’entrer en fonction, l’ex-ministre français des Finances avait été malmené au Parlement européen, où malgré ses assurances répétées la droite n’avait pas cru à sa capacité à faire respecter les “règles” et à juger avec neutralité la situation de la France.