Cerises: la France déclenche la clause de sauvegarde lui permettant de suspendre jusqu’à la fin de l’année les importations de cerises traitées
La France a décidé de suspendre jusqu’à la fin de l’année toutes les importations de cerises traitées au diméthoate, un insecticide interdit en février, y compris depuis les pays de l’Union européenne, afin de protéger les consommateurs et les producteurs français.
Burlats, bigarreaux et griottes devraient se faire prochaiement rares sur les étals car l’interdiction entrera en vigueur samedi, avec une dérogation évidente pour les cerises bio, selon l’arrêté paru vendredi au Journal officiel.
Pour pouvoir bloquer les importations d’où qu’elles viennent, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a décidé, pour la première fois depuis quatre ans, d’utiliser cette clause européenne dite de sauvegarde.
L’idée est de protéger la santé des consommateurs, mais aussi le revenu des producteurs, qui risqueraient de souffrir d’une distorsion de concurrence en cas d’entrée sur le territoire de fruits provenant de pays utilisant toujours le diméthoate pour contrer un moucheron particulièrement agressif.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a interdit le 1er février la mise sur le marché du seul produit restant à base de diméthoate, le fabricant n’ayant pas fourni les précisions demandées alors qu’une évaluation a fait apparaître des “risques inacceptables” pour le consommateur, les cultivateurs et la faune.
L’insecticide “faisait planer sur la filière un danger lié au risque d’un accident sanitaire” car pour que le produit soit vraiment efficace, il fallait souvent dépasser massivement les doses autorisées, souligne Emmanuel Aze, chargé des pesticides à la Confédération paysanne, 3e syndicat agricole, qui se réjouit de l’interdiction.
Il n’était possible de se débarrasser du moucheron que “moyennant la mise sur le marché de cerises dont le taux de résidu relevait de la mise en danger de la vie d’autrui. On craignait qu’un enfant -une petite masse corporelle qui se gave de cerises- reste sur le carreau, ce qui aurait entraîné une panique”, explique-t-il.
Mais les arboriculteurs du sud de l’Hexagone ont ces dernières semaines manifesté leur inquiétude face à une perte importante de production, assurant ne disposer d’aucune alternative pour protéger leurs fruits contre les attaques du moucheron drosophile suzukii.
Selon eux, les molécules alternatives suggérées par le ministère – cyantraniliprole et spinetoram – sont peu efficaces. Seule l’installation de filets sur les arbres permet une réelle protection mais à un coût rédhibitoire (environ 20.000 euros par hectare).
Le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, demandait une dérogation de 120 jours afin de pouvoir utiliser l’insecticide fin avril, avant la récolte.
– Cerises plus chères – Mais Stéphane Le Foll a plutôt choisi fin mars de demander à Bruxelles d’interdire le diméthoate dans l’ensemble de l’UE, faute de quoi la France aurait recours à la clause de sauvegarde.
Consultés, les Etats européens n’ont pas réussi à s’accorder pour retirer le produit, malgré un avis de l’Agence européen de sécurité des aliments (Aesa) estimant que les données sur le diméthoate n’étaient “pas suffisantes pour exclure un risque pour la santé des consommateurs”, selon l’arrêté publié vendredi.
Toutefois, l’Espagne, l’Italie, la Pologne, la Grèce et la Slovénie ont décidé individuellement d’interdire le diméthoate, selon le ministère.
Pour la FNSEA, le texte du ministère “n’est pas satisfaisant. On est arrêté au milieu du gué” car il ne mentionne que les cerises fraîches, et pas les cerises transformées (en confitures, yaourts…, critique Luc Barbier, président de la branche fruits, sans préciser toutefois les volumes concernés.
En outre, selon lui, l’Espagne, premier fournisseur de la France, autorise toujours les importations de cerises de toutes origines, donc potentiellement traitées au diméthoate, avec le risque qu’elles soient vendues dans l’Hexagone.
La France produit environ 45.000 tonnes de cerises par an, et en importe environ 7.000 selon les services statistiques du ministère.
L’interdiction des importations, cumulée à la baisse de production redoutée en France en l’absence de protection contre le ravageur, pourrait faire augmenter le prix des cerises cet été.
Une mauvaise nouvelle pour le consommateur, mais une aide pour les arboriculteurs, qui leur permettront “d’assumer une partie des surcoûts liés aux dégâts du drosophile suzukii”-production réduite, cueillette ralentie, tri de la récolte, en attendant que les nouvelles techniques de lutte soient au point, estime M. Aze.
Le ministère s’est engagé à indemniser les producteurs, selon des modalités qui restent à définir.