Politique: en Italie, la démarche de Fillon de s’en remettre au peuple plutôt qu’aux juges rappelle Silvio Berlusconi
En Italie, la démarche de François Fillon de s’en remettre au peuple plutôt qu’aux juges rappelle la grande époque de Silvio Berlusconi, même si le candidat de la droite à la présidentielle française reste encore loin du Cavaliere.
“Au-delà de la procédure judiciaire, c’est au peuple français et à lui seul que j’en appelle désormais”, a lancé M. Fillon mercredi en dénonçant un “assassinat politique” et en maintenant sa candidature malgré une probable mise en examen pour des soupçons de détournement d’argent public.
Pour les Italiens, un tel discours réveille des échos des attaques virulentes contre les juges lancées par Silvio Berlusconi, qui a été élu et réélu malgré une impressionnante litanie d’affaires judiciaires.
“Fillon a décidé de résister et d’en appeler au suffrage universel contre les juges. C’est un vieux vice des politiciens, il suffit de penser à Silvio Berlusconi”, écrit le quotidien Il Fatto Quotidiano.
Pour autant, “nous sommes en plein dans la tradition française: le suffrage universel doit protéger. La volonté du peuple est supérieure à la volonté de la magistrature”, estime Marco Gervasoni, professeur de l’histoire des systèmes politiques, évoquant un discours de Napoléon III en 1848.
Même le rassemblement de soutien pro-Fillon dimanche après-midi à Paris “fait partie de la quintessence du gaullisme, l’appel au peuple”, note-t-il.
Et il y a “une différence notable”: “Berlusconi lançait ses appels et attaques alors qu’il était chef de gouvernement, Fillon n’est que candidat”, rappelle M. Gervasoni.
Et M. Fillon peut tout compte fait sembler modéré dans ses critiques, comparé aux attaques assassines du Cavaliere, dont certaines sont restées dans l’histoire de la péninsule.
- ‘Cancer de notre démocratie’ -
“Les juges sont le cancer de notre démocratie”, a-t-il lancé en mai 2011, en marge d’une énième audience de son énième procès.
Le magnat des médias se disait perpétuellement “victime d’un acharnement judiciaire de juges d’extrême gauche” cherchant à l’éliminer de la scène politique face à une gauche incapable de le battre dans les urnes.
L’une de ses blagues préférées ? “Celui qui naît avec la volonté de faire du mal a trois possibilités: il peut devenir délinquant, procureur ou journaliste”.
Le tableau judiciaire des deux hommes est également très différent: M. Fillon, âgé de 63 ans, risque des poursuites pour avoir employé aux frais de l’Etat son épouse et deux de ses enfants comme assistants parlementaires alors que la réalité de leur travail n’est pas établie.
A 80 ans, Silvio Berlusconi a été poursuivi pendant des décennies pour faux en bilan, corruption, subornation de témoin, faux témoignage, abus de pouvoir et même prostitution de mineure…
Souvent sauvé par la prescription ou par des lois ad hoc votées par sa majorité de centre-droit, il n’a été condamné définitivement qu’une fois, pour fraude fiscale, même si plusieurs affaires sont encore en cours.
Dans le quartier romain de Trastevere, c’est surtout l’ombre de Marine Le Pen, la candidate de l’extrême droite, qui inquiète.
“La progression de Marine Le Pen en France fait un peu peur. C’est un retour en arrière”, estime Andrea, lycéen de 18 ans. “On espère surtout qu’elle ne gagnera pas, avant tout pour le maintien d’une Europe unie”, ajoute Alberto, retraité de 65 ans.
“Maintenant on dirait qu’il est impossible, n’importe où dans le monde et surtout en Europe, de faire en sorte que les questions politiques ne soient pas polluées par des affaires de corruption”, se désole Gianni Filipponi, un Romain d’une soixantaine d’années.
Et quand ce n’est pas l’homme politique lui-même qui est concerné, “c’est son fils ou son père. En ce moment en Italie, c’est le père”, ajoute-t-il en référence à l’enquête pour trafic d’influence qui vise actuellement Tiziano Renzi, le père de Matteo Renzi, l’ancien chef du gouvernement qui tente de reprendre la main sur le Parti démocrate (centre-gauche).