L’esplanade des Mosquées à Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam et site le plus sacré pour les juifs, est au coeur des efforts internationaux pour écarter le risque d’une éruption de violences qui risquerait de secouer toute la région. Voici pourquoi.
Que représente l’esplanade des Mosquées ?
L’esplanade des Mosquées ou mont du Temple dans l’appellation juive, est le troisième lieu saint de l’islam après la Grande Mosquée de La Mecque et la Mosquée du Prophète de Médine, en Arabie saoudite. L’emblématique dôme du Rocher qui s’y trouve se dresse sur le rocher d’où le prophète Mahomet serait monté au ciel sur sa jument ailée, al-Bouraq. Tout près, se trouve la mosquée Al-Aqsa qui donne souvent son nom à l’esplanade.
Le site est pour les juifs l’endroit où se manifeste le mieux la présence divine. C’est là que s’élevait le premier temple juif selon la Bible et le second, détruits successivement par les Babyloniens et les Romains.
Pourquoi est-elle une poudrière ?
L’esplanade est située à Jérusalem-Est, partie palestinienne de Jérusalem occupée en 1967 par Israël et annexée, donc au coeur du conflit israélo-palestinien. Des deux côtés, le lieu est un symbole religieux et/ou national inviolable.
La seconde Intifada a éclaté en septembre 2000 après la visite du leader israélien Ariel Sharon sur l’esplanade. En 1996, le percement d’un tunnel le long de l’esplanade avait provoqué des affrontements qui avaient fait des dizaines de morts palestiniens et israéliens.
L’esplanade est-elle la cause de l’escalade ?
De multiples facteurs anciens et récents ont contribué à l’exaspération: persistance de l’occupation, poursuite de la colonisation israélienne –illégale au regard du droit international–, guerre et enfermement à Gaza, absence de tout horizon politique mais aussi de perspectives personnelles pour les Palestiniens, vexations liées à l’occupation, chômage mais aussi déliquescence de l’Autorité palestinienne.
Plus récemment, la mort d’un bébé palestinien et de ses parents dans un incendie cet été, point d’orgue d’une série de méfaits attribués à des extrémistes israéliens défendant la colonisation, a choqué les Palestiniens.
En septembre, l’esplanade a vu affluer les visiteurs juifs pour leurs grandes fêtes annuelles. Les Palestiniens y ont vu une nouvelle manifestation d’un vaste dessein israélien qui remettrait en cause les règles régissant le site (le “statu quo”
et finirait par diviser l’esplanade entre musulmans et juifs. La recrudescence des visiteurs juifs reflète la montée en puissance des nationalistes religieux, avec des prétentions de plus en plus décomplexées sur l’esplanade.
L’esplanade est donc l’un des facteurs des tensions mais peut surtout être l’élément déclencheur d’un embrasement de plus grande ampleur, d’où l’inquiétude de la communauté internationale.
Qu’est-ce que le “statu quo” ?
Israël s’est emparé en 1967 de Jérusalem-Est et de l’esplanade. La Jordanie en reste la gardienne. Elle est administrée au quotidien par une fondation musulmane mais Israël contrôle totalement les accès.
Les juifs sont autorisés à la visiter à certaines heures mais pas à y prier.
Les musulmans sont autorisés à prier à toute heure mais sont régulièrement soumis à des restrictions d’accès de la part d’Israël. L’esplanade est au coeur du différend entre Palestiniens qui veulent faire de Jerusalem-Est la capitale de de leur futur Etat alors qu’Israël proclame Jérusalem (Ouest et Est) sa capitale indivisible.
Netanyahu veut-il modifier le statu quo ?
“Mensonge”, martèle le Premier ministre israélien. “Nous sommes engagés au maintien du statu quo. C’est nous qui protégeons tous les lieux saints”.
Tout en faisant assaut de fermeté face aux attentats, M. Netanyahu s’est employé à supprimer les facteurs de tension autour de l’esplanade. Il a notamment interdit aux ministres et aux députés israéliens de la visiter.
En novembre 2014, dans une période de tensions déjà vives, M. Netanyahu aurait eu avec le roi Abdallah de Jordanie une rencontre secrète qui n’a jamais été démentie. M. Netanyahu se serait alors engagé à limiter les visites de juifs mais cet engagement se serait progressivement évanoui.
Le président palestinien Mahmoud Abbas et M. Netanyahu ne parlent pas du même “statu quo”. Pour M. Abbas, le “statu quo” actuel est bien éloigné de celui de 1967 quand Israël ne décidait pas des visites sur le site.
Que peut faire la diplomatie ?
L’esplanade est l’un des rares points sur lesquels la communauté internationale peut appuyer.
La France a suggéré une présence internationale qui répertorierait les violations du statu quo. L’idée semble condamnée, les Etats-Unis s’y étant publiquement opposés. Une autre idée concrète consisterait à mettre par écrit ce dont M. Netanyahu était convenu auprès du roi Abdallah en novembre 2014.
Un levier plus immédiat a consisté à presser MM. Netanyahu et Abbas d’atténuer la rhétorique des accusations et des invectives réciproques.