La 3ème journée de mobilisation contre la Loi Travail bat son plein à travers toute la France. Des milliers d’opposants au projet manifestent tandis que les lycées, universités et transports sont perturbés.
“Touche pas à mon code”: des milliers de salariés et étudiants ont commencé à défiler jeudi pour réclamer le retrait de la loi travail, jugée trop libérale, une mobilisation qui déclenche aussi perturbations des transports et blocages de lycées et universités.
– Grève générale et mobilisation dans toute la France –
En fin de matinée, plusieurs milliers de salariés, étudiants et militants avaient commencé à défiler à Nantes, Bordeaux, Caen ou Rennes. Les premiers défilés rassemblaient déjà de nombreux manifestants: selon la police, ils étaient 20.000 à Toulouse, 5.500 à Saint-Nazaire, 6.000 à Rouen, 7.000 à Grenoble, 5.000 à Clermont-Ferrand. À Paris, une dizaine d’interpellations ont eu lieu en marge de la manifestation.
Parmi les nombreux slogans, on pouvait lire: “Touche pas à mon code”, “On vaut mieux que ça”, “Un grand bond en avant vers le 19e siècle” ou encore “1916: chair à canon, 2016: chair à patrons”.
Pour Anna, retraitée de 72 ans venue manifester à Grenoble, cette loi “va démotiver les jeunes”. “On est mobilisé pour notre futur, pour celui de nos parents et pour les futures générations”, a de son côté expliqué une étudiante postée devant un lycée bloqué à Besançon, comme à Nancy, Toulouse, Brest, Caen ou Paris.
Quelque 200 défilés, manifestations et rassemblements sont prévus partout en France, avec des grèves à la Tour Eiffel, chez EDF, Air France, dans le contrôle aérien, la fonction publique, le commerce, la presse, les casinos…
D’ores et déjà, de nouvelles mobilisations sont envisagées pour réclamer le retrait de cette loi, les 5 et 9 avril, a annoncé Jean-Claude Mailly, numéro un de FO.
– Mobilisation dans les transports en commun –
Les transports publics étaient perturbés, avec un train sur deux en province, en Ile-de-France sur les lignes A et B du RER, mais aussi trois rames sur quatre dans le métro parisien. Un cheminot sur quatre faisait grève à la SNCF.
Des bouchons importants étaient enregistrés en région parisienne, mais aussi au Havre et à Rouen où des centaines d’ouvriers portuaires et dockers CGT organisaient des points de blocage.
La ministre du Travail, Myriam El Khomri, a répété qu’elle “entendait les inquiétudes des jeunes” tout en défendant une “loi nécessaire et juste”, sur BFMTV/RMC.
– La jeunesse au premier rang –
La rue de Grenelle a décompté 176 lycées faisant l’objet d’un blocage, “total ou filtrant”, sur les 2.500 établissements publics répartis sur le territoire. En fin de matinée, “un retour à la normale était constaté dans la plupart de ces lycées”, a-t-elle précisé. La mobilisation est estimée à 250 établissements par les syndicats lycéens.
“De toute évidence, ce texte ne permettra pas les créations nécessaires d’emplois, généralisera la précarité et aggravera les inégalités professionnelles notamment envers les femmes et les jeunes”, estiment les syndicats (CGT, FO, Solidaires, FSU, Unef, FIDL, UNL) à l’initiative de la mobilisation. Même réécrit, le projet de loi travail “reste toxique pour les salarié-es”, selon eux.
A Paris, la principale manifestation partira à 13H30 de place d’Italie en direction de Nation, avec Philippe Martinez (CGT), Bernadette Groison (FSU), Jean-Claude Mailly (FO) et William Martinet (Unef) en tête de cortège. Des députés écologistes ont prévu de participer à la journée d’action, dont l’ancienne ministre Cécile Duflot et Noël Mamère.
Des militants de la CFDT et de la CFE-CGC défileront aussi pour réclamer le retrait “pur et simple” du projet, à contre-courant de leurs centrales respectives.
Un millier de lycéens se dirigeaient dans le calme à la mi-journée de la place de la Nation à la place d’Italie pour rejoindre le rassemblement. Des heurts entre groupes de lycéens et forces de l’ordre, avec des jets de projectiles et l’usage de gaz lacrymogène, ont eu lieu à Rennes et Nantes.
À Paris, des incidents ont émaillé une manifestation de lycéens, la préfecture de police faisant état d’une dizaine d’interpellations en marge du cortège.
Lors de la précédente mobilisation similaire, le 9 mars, plus de 200.000 personnes avaient défilé dans l’Hexagone (450.000 selon les organisateurs).
Vraisemblablement la dernière du quinquennat, cette réforme est également l’une des plus décriées, comme l’a été la loi Macron, qui a nécessité le recours à l’article 49-3 ou la révision constitutionnelle initiée après les attentats de novembre, que François Hollande a dû abandonner.
– Le gouvrenement recule mais n’abandonne pas –
Mais le gouvernement insiste: pas question de retirer cette réforme “intelligente, audacieuse et nécessaire”, selon Manuel Valls.
Face à la grogne, jusque dans les rangs de la majorité, contre un texte jugé trop favorable au patronat et insuffisamment protecteur pour le salarié, le gouvernement est revenu sur certains articles (plafonnement des indemnités prud’homales, décisions unilatérales de l’employeur).
Cependant, les critiques restent vives. Si un consensus se dessine entre plusieurs syndicats pour la réécriture de certains articles (licenciement économique, compte personnel d’activité, rôle de la branche), le patronat réclame un “retour à la première version du texte”.
Les oppositions “sont à prendre très au sérieux” car elles “témoignent d’un vrai malaise social”, a estimé Karine Berger, députée PS et membre du Bureau national.
Par ailleurs, un policier a été placé en garde à vue jeudi matin dans l’enquête sur les coups portés contre un lycéen à Paris la semaine dernière en marge des manifestations contre le projet de loi travail, selon des sources judiciaire et policière.