Martine Aubry passe à l’attaque. La maire PS de Lille s’en prend pour la première fois directement à François Hollande depuis le début de son quinquennat dans un entretien au Journal du dimanche et sur la Toile. La “frondeuse en chef”, c’est elle. Martine Aubry a pris son temps avant de s’exprimer sur la politique que François Hollande mène depuis le début de son quinquennant. Mais cette fois, elle montre les dents, s’en prenant au tandem formé par Manuel Valls et le chef de l’Etat dans le Journal du Dimanche. “Je demande qu’on réoriente la politique économique. Il faut emprunter le bon chemin dans les deux ans qui viennent”, faute de quoi la gauche va “échouer”, lance-t-elle en direction du chef de l’Etat, qui l’a battue lors des primaires de 2011 pour la présidentielle. “Je ne me résigne pas à la victoire de la droite en 2017″, lâche-t-elle encore.
La maire PS de Lille était déjà sortie du bois ces derniers mois en s’insurgeant contre la réforme territoriale et l’abandon de l’encadrement des loyers mais elle semble être passée à la vitesse supérieure.
Elle a d’ailleurs lancé une deuxième salve en publiant dans la nuit sur Internet sa contribution aux Etats généraux du PS, où elle plaide pour “une nouvelle social-démocratie”, un projet qui n’est, insiste-t-elle, “ni le libéralisme économique, ni le social-libéralisme”.
Un texte signé à ce stade par 34 responsables socialistes: des frondeurs comme Jean-Marc Germain et Christian Paul, des présidents de région (Jacques Auxiette, François Bonneau, Marie-Guite Dufay et René Souchon), les ex-ministres François Lamy et Philippe Martin, des présidents de conseils généraux (Matthieu Klein, André Vezinhet) mais aussi des députés non étiquetés “frondeurs”.
La politique économique de Hollande remise en cause
Dans le JDD, si elle admet que l’exécutif a accompli quelques “bonnes choses” -elle cite en une petite phrase “le retour de la France sur la scène internationale, les moyens complémentaires donnés à la police, à la justice, à l’éducation, la retraite à 60 ans pour les longues carrières”- , tout le reste de l’interview est un réquisitoire contre l’action du tandem Hollande-Valls.
“Nous avions prévu qu’à mi-mandat, la croissance serait revenue, le chômage en repli et les déficits réduits en deçà de 3 %. Ce n’est pas le cas. Il nous faut trouver au plus vite le bon réglage des politiques économiques qui permettra de sortir la France de la crise”, assène-t-elle à la veille du vote en première lecture de la partie recettes du budget 2015.
Des critiques sur le fond de la politique menée: “regardons la vérité en face. La politique menée depuis deux ans, en France, comme presque partout ailleurs en Europe, s’est faite au détriment de la croissance” ou encore “Il n’y a pas d’un côté les sérieux et de l’autre les laxistes. Mais je demande une inflexion de la politique entre la réduction des déficits et la croissance”.
Mais aussi sur la gouvernance Hollande: il faut “refaire de la politique”, “donner la destination du voyage” car “on n’a pas fixé le cap”, déplore celle qui, en privé, ne perd jamais une occasion d’étriller le chef de l’Etat.
Non aux “vieilles recettes libérales”
Surtout, si ses amitiés avec certains “frondeurs” -un qualificatif qu’elle rejette- étaient connues, Martine Aubry franchit un pas supplémentaire en disant pour la première fois publiquement “partager leurs propositions” économiques et “regrette” au passage “que le Parlement n’ait pas pu en discuter” dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité.
“J’espère que la prise de conscience sera là, que le débat aura lieu. En tout cas, plus on sera nombreux à le dire à gauche -élus nationaux ou locaux, mais aussi dans la société civile- plus on aura une chance d’être entendus”, lance-t-elle en guise d’avertissement. A l’unisson de ces frondeurs, elle juge d’ailleurs que “20 milliards d’euros peuvent et doivent être libérés sur les 41 mds d’euros” d’aides aux entreprises.
Une réforme fiscale indispensable
Elle juge aussi qu’une grande réforme fiscale “est plus que jamais nécessaire pour réconcilier les Français avec l’impôt” et surtout “préférable à des mesures au fil de l’eau, aux allers-retours sur les mesures fiscales, aux baisses des prestations familiales ou au gel des retraites qui inquiètent les Français en situation difficile”. Seul à échapper à ses piques assassines, le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis, dont elle salue l’initiative “salutaire” des Etats généraux.
“Il faut en finir avec les vieilles recettes libérales. Ne perdons pas notre temps dans des débats du passé sans cesse remis sur la table par le Medef le repos dominical, c’était il y a un siècle, l’assurance-chômage, soixante ans, les lois Auroux et les seuils sociaux, trente ans, les 35 heures, seize ans”, ajoute-t-elle en visant autant le gouvernement Valls que le patronat.
Une façon de se poser très clairement en recours à gauche. Pourtant, promis juré, elle n’est “candidate” à rien d’autre qu’au “débat d’idées”.