Sa silhouette pyramidale animera-t-elle un jour la “skyline” parisienne ? Avant le vote crucial au Conseil de Paris, le plus grand suspense demeure sur l’issue du scrutin concernant la tour Triangle, dont ni les Verts, ni le centre et l’UMP ne veulent la construction.
Le projet, porté par la société Viparis via la SCI Tour Triangle, prévoit la construction au cœur du Parc des Expositions de la porte de Versailles d’une tour de 180 m offrant pour l’essentiel des bureaux: quelque 80.000 m2, auxquels s’ajouteront sur 5.700 m2 des équipements d’intérêt collectif (crèche, maison de santé) et des espaces accessibles au public: 1.600 m2 de commerces, un atrium au rez-de-chaussée, un belvédère et un restaurant panoramique.
Le géant de l’immobilier commercial Unibail-Rodamco (qui contrôle Viparis à parité avec la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France) prévoit d’investir 520 millions d’euros dans ce “monument” dessiné par le prestigieux cabinet d’architectes Herzog et de Meuron, auteur entre autres de la Tate Modern de Londres et du Nid d’Oiseau à Pékin. En parallèle, Viparis a engagé une rénovation complète du Parc des Expositions, pour un coût de 500 millions d’euros.
La délibération “technique” soumise lundi matin au vote des élus est la queue de comète d’un processus lancé en 2008 par l’ancien maire Bertrand Delanoë (PS). Elle doit permettre le “déclassement” de la parcelle où sera construite la tour, jusqu’à présent utilisée par le Parc des expositions.
Mais son adoption est loin d’être assurée, en raison de l’opposition des seize élus Verts – hostiles depuis le début -, mais aussi de l’UMP (54 élus), du groupe UDI-MoDem (16), de la PG Danielle Simonnet et de l’ex-MoDem Jean-François Martins. L’UMP et l’UDI, initialement favorables, ont tourné casaque lors de la campagne des élections municipales, avec l’entrée en lice de la candidate UMP Nathalie Kosciusko-Morizet, qui s’est dès le départ déclarée réticente à un projet de tour “isolée”.
Cette coalition détient théoriquement une majorité au Conseil de Paris, avec 88 élus sur 163. Mais certains élus UMP voteront pour -comme Pierre Lellouche – et d’autres ne voteront pas en raison d’un possible conflit d’intérêts (comme Daniel-Georges Courtois, membre du Conseil d’administration du Comité des expositions de Paris, lié à Viparis).
Un vote secret, dont le PS pourrait faire la demande lundi matin, brouillerait également les cartes, en permettant des expressions dissidentes à droite comme à gauche.
– La mairie “continuera à travailler” –
La maire de Paris Anne Hidalgo, qui avait reconnu le 20 octobre avoir un “problème de majorité” sur la tour, et affirmé qu’elle en “prendrai(t) acte”, a depuis mis toutes ses forces dans la bataille pour tenter de gagner à sa cause les élus de la droite et du centre. Soulignant l’importance du projet pour l'”attractivité” de Paris et l’emploi, elle n’a eu de cesse de dénoncer l’attitude “politicienne” de NKM.
Celle-ci avance pourtant des arguments de fond: objet architectural “implanté au milieu d’un quartier bas”, “passéiste”, la Tour ne propose selon elle que des “bureaux à blanc” dans un quartier insuffisamment desservi, et alors que la capitale compte plus de 800.000 m2 de bureaux de seconde main vides.
L’ancienne ministre sarkoziste relève également le peu d’enthousiasme des Parisiens (62% se disaient opposés aux tours dans un sondage de mai 2013) et de l’Unesco. Son sous-directeur général pour la culture Francesco Bandarin avait souligné en octobre 2013 le caractère énergivore et peu conforme à l’urbanisme parisien du projet.
Un rejet de la délibération lundi signifierait-il l’enterrement du projet ? Après avoir parlé d’un “coup d’arrêt”, l’exécutif municipal a fait part de sa volonté de “continuer à travailler” quoi qu’il arrive.
Ce rejet ne signifierait pas non plus la fin des tours à Paris: en chantier, celle de 160 m qui doit accueillir le nouveau palais de justice de Paris aux Batignolles (XVIIe) doit être livrée mi-2017, tandis qu’a été déposé le permis de construction du projet Duo – deux tours de 175 et 115 mètres dessinées par Jean Nouvel et implantées à la lisière du XIIIe.