Le président américain fait monter la pression sur la menace nord-coréenne avant sa rencontre avec Xi Jinping, jeudi.
«Si la Chine ne résout pas [le problème de] la Corée du Nord, nous le ferons [sans son aide].» Dans une interview donnée au Financial Times, dimanche, Donald Trump a semble-t-il voulu mettre la pression sur un sujet diplomatique ultrasensible avant sa première rencontre avec son homologue chinois Xi Jinping, jeudi en Floride.
Qu’entend Donald Trump par «le problème de la Corée du Nord» ?
Les Américains sont inquiets des progrès spectaculaires en matière militaire effectués par le régime de Pyongyang. Selon Séoul, allié de Washington, l’un des engins testés par la Corée du Nord en mars pourrait être, comme l’avait annoncé le leader Kim Jong-un, un missile balistique intercontinental (ICBM) capable de frapper le territoire américain. D’autant plus que Pyongyang, qui a effectué deux essais nucléaires l’an dernier, pourrait bientôt être capable de développer des têtes nucléaires pour équiper ses missiles. Pour le Pentagone, le programme balistique nord-coréen est désormais «une grave menace pour la sécurité nationale».
Que peut demander Trump à la Chine ?
En septembre, lors d’un débat face à Hillary Clinton, Trump avait suggéré que «la Chine entre en Corée du Nord pour régler le problème». Il n’a plus évoqué cette hypothèse jusqu’au-boutiste depuis. Il devrait plutôt demander à Xi Jinping de signer une liste de nouvelles sanctions économiques contre le régime de Pyongyang, pour empêcher Kim Jong-un de poursuivre ses recherches militaires. Dans cette liste pourraient figurer l’arrêt total du commerce transfrontalier, mais surtout la fin de l’approvisionnement en pétrole de la Corée du Nord, les précédentes sanctions internationales et bilatérales ayant montré leur inefficacité.
Pourquoi Xi Jinping pourrait refuser ?
Les deux pays, séparés par une frontière poreuse de 1400 km, partagent toujours une solidarité sociale, idéologique et économique. Même si la Chine a signé l’an dernier la dernière résolution de l’ONU imposant des sanctions inédites, elle continue à entretenir des relations commerciales vitales pour sa petite voisine de 24 millions d’habitants. Les Chinois, comme d’autres, pensent que même avec un embargo économique total, Kim Jong-un, persuadé que la survie de son régime est en jeu, continuerait son programme militaire et serait prêt pour cela à affamer sa population. Pékin craint aussi l’effondrement du régime de Pyongyang, qui joue un rôle d’Etat tampon face à une Corée du Sud sous influence américaine. Même si elle s’agace de plus en plus des provocations de Pyongyang, la Chine a jusque-là tout fait pour garantir la stabilité de la région. Par ailleurs, le Thaad, un bouclier antimissile que les Américains déploient en Corée du Sud contre le Nord et que Pékin accuse de menacer sa propre stratégie militaire, pèsera dans les discussions de cette semaine.
Quelles sont les solutions de Trump pour «régler le problème sans la Chine» ?
L’administration d’Obama avait déjà étudié plusieurs options, remises sur la table par les conseillers à la sécurité de la nouvelle administration. Les performances des systèmes antimissiles (en général) étant encore très médiocres, la défense ne peut être le seul outil pour se prémunir contre une attaque. Depuis 2014, Washington a mis en place un programme très coûteux d’espionnage et de sabotage des installations militaires nord-coréennes, mais jusqu’ici, les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances. Selon le New York Times, les frappes ciblées contre les sites de lancements de missiles nord-coréens ont également été envisagées, mais auraient, selon les experts, peu de chances de réussir à 100%, ce qui aurait des conséquences incontrôlables.
Le 20 mars, le secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson a déclaré que «la politique de patience est terminée», et qu’une «action militaire est une option». Mais Washington se heurterait très certainement à l’opposition du prochain gouvernement sud-coréen et de la Chine tant qu’il n’y a pas de menace imminente. Celle-ci semble encore éloignée, «la Corée du Nord n’ayant aucun intérêt à ce qu’il y ait une escalade de violence» en l’état actuel des choses, explique le chercheur Antoine Bondaz. Pour Trump, il resterait alors la solution des négociations pacifiques avec la Corée du Nord pour la convaincre de geler son programme militaire, ou au moins de ne pas utiliser ses armes. Mais pour cela, il faudrait l’amener à la table des négociations, exploit que seule la Chine semble jusque-là capable de réussir.