Quelques centaines de personnes ont finalement pu se rassembler dimanche à la mémoire du jeune homme, mort l’an dernier sur le site du futur barrage dans des affrontements avec les gendarmes.
L’ordre est venu de Paris. Outrepassant l’arrêté municipal pris par la maire (divers droite) de L’Isle-sur-Tarn, le préfet a finalement autorisé au dernier moment le rassemblement en hommage à Rémi Fraisse, ce dimanche sur le site de Sivens. Près de trois cents personnes s’étaient donné rendez-vous sur le parking d’un supermarché à l’entrée de Gaillac (Tarn). Des zadistes, des militants écolos, des membres du collectif du Testet mais aussi des proches du jeune naturaliste de 21 ans, mort dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 octobre 2014 après avoir reçu une grenade offensive lancée par un gendarme, lors des affrontements entre anti barrage et forces de l’ordre.
Dans un « souci d’apaisement », la préfecture a donc laissé passer les militants. Après un bref vote à main levée sur le parking, ces derniers décident de se rendre en convoi à la « Maison de la forêt», un espace communal de loisirs dominant le site du Testet. Pique-nique au soleil. La tension, forte en début de matinée, est retombée. En ordre dispersé, la petite foule continue à pied sur la route départementale menant au site du chantier du futur barrage. Deux kilomètre plus loin, tous font cercle autour de la sculpture posée sur la zone de chantier défendue mordicus par un escadron de gendarmerie la nuit du décès de Rémi Fraisse. L’œuvre, une main tenant un globe terrestre, est scellée dans le sol. Dans la semaine précédant la commémoration, un groupe militant baptisé «La pelle masquée» l’a installée là, déjouant la surveillance des gendarmes. «Un camion équipé d’une grue et des seaux de ciment déjà prêts et le tour était joué», raconte à Libération l’un des participants.
«L’herbe a repoussé»
La mère de Rémi Fraisse, présente, ne prendra pas la parole. Au mégaphone, un jeune homme lit des vers de Paul Eluard. A une vingtaine de mètres, des zadistes observent la scène et les collines alentour. L’un d’entre eux arrange un petit cercle de pierre près d’un arbuste. «C’est ici que Rémi est mort», raconte l’un d’entre eux. Il désigne la butte surplombant la scène. «Il y avait un groupe qui s’affrontait avec les gendarmes. Ils avaient allumé des feux». Lui était «plus bas», près de la zone de chantier défendue par les gendarmes. «Ils ont tiré des centaines de grenades. Parfois ils avertissaient en disant qu’il y avait des offensives. Vers deux heures du matin il y a eu une série d’explosions. Les projecteurs se sont éteints. Un groupe de gendarmes en tortue est sorti et a pris son corps», se souvient-il. Depuis, «l’herbe a repoussé». Autour, des morceaux de grenades jonchent encore le sol.
Dans les airs, l’hélicoptère de la gendarmerie fait des cercles avant de s’éloigner. Les participants au rassemblement «légal» organisée à Plaisance-du-Touch, dans la banlieue toulousaine, rejoignent à leur tour le site. Rémi Serres, 77 ans, agriculteur retraité de Cahuzac regarde la sculpture : «Quand ils viendront avec des pelles mécaniques pour faire ce fichu barrage ils ne pourront pas la détruire comme un vulgaire caillou. Ca devrait leur remuer les tripes.