Hier soir, le Sénat est donc revenu là où il l’avait toujours été : à droite. Ce basculement risque de changer des choses dans le fonctionnement de l’Assemblée nationale et de nos institutions.
Tout d’abord, le rejet des projets de loi du gouvernement au Sénat risque d’être plus systématique. Le Sénat peut ralentir l’étude des textes soit en les rejetant, soit en les étudiant trop lentement. Le gouvernement a déjà annoncé qu’il souhaitait quasi-systématiquement recourir à la procédure accélérée (qui n’impose qu’une lecture par chambre et non deux). En cas de rejet ou dénaturation du texte par le Sénat, on passerait directement à une nouvelle lecture dans chaque assemblée, avant une lecture définitive. Au final, il y aura bien deux lectures dans chaque assemblée, mais la procédure accélérée va devenir la norme.
S’éloigne également pour le gouvernement la possibilité de réformer la Constitution. Pour que la Constitution soit modifiée (hors référendum), il faut en effet que la révision soit adoptée dans les mêmes termes à l’Assemblée et au Sénat, puis ratifiée par les 3/5ème de l’ensemble des parlementaires. L’UDI est ici un groupe-clé en possédant un véritable pouvoir de veto. Mais elle risque de ne pas vouloir faire de cadeau à un Président durablement affaibli. De quoi regretter de n’avoir véritablement tenté aucune réforme constitutionnelle depuis mai 2012. Avant ces sénatoriales, la majorité des 3/5ème n’était pas acquise par la gauche, mais elle était au moins atteignable.
La conquête du Sénat va permettre à la droite de remettre la main sur un certain nombre d’outils et d’instruments. Le Président du Sénat nomme des personnes dans de nombreuses institutions (du Conseil constitutionnel au CSA). Il peut saisir le Conseil constitutionnel mais également faire appel au Conseil d’Etat pour étudier des propositions de loi. Avoir la présidence des commissions et le pouvoir de nomination des rapporteurs permettra à la droite d’améliorer la qualité de ses propositions. A condition bien sur de travailler et de communiquer efficacement avec les députés UMP…
L’élection de deux députés au Sénat (François Baroin dans l’Aube et Alain Marc dans l’Aveyron) va aboutir a deux législatives partielles, qui seront logiquement gagnée par l’UMP (face au FN ?). Un troisième député UMP, Ginesta a échoué a devenir sénateur du Var. Étant député de Fréjus, son élection aurait entrainé une partielle très favorable au FN (le maire de Fréjus est David Rachline).
Concernant l’élection de deux Sénateurs FN, au delà du barouf de départ, cela ne devrait pas bouleverser grand chose, pas plus que l’arrivée de trois députés d’extrême droite à l’Assemblée en 2012 (trois députés de moins en moins présents d’ailleurs…). Avec seulement deux élus, très isolés, avec peu d’expérience et de moyens, cela risque d’être compliqué. D’autant qu’ils viennent tous deux d’être élus maires, et auront fort à faire dans leurs mairies (et dans les instances internes du Front national). Pour faire quelque chose au Sénat il faut de l’expérience et du temps. Ils n’auront ni l’un, ni l »autre.
Enfin, au sein de la gauche à l’Assemblée, cette élection va avoir des conséquences. La lourde défaite de Jean-Michel Baylet, chef incontesté (et incontestable) des radicaux de gauche depuis plus de vingt ans risque d’entrainer des remous au PRG. C’est problématique, d’autant que les radicaux sont les derniers (bien que parfois très turbulents) alliés du Parti socialiste au gouvernement, avec trois ministres. L’isolement progressif du Parti socialiste, sensible à l’intérieur Parlement, se ressent à l’extérieur. La désunion de la gauche lui a d’ailleurs fait perdre plusieurs sièges hier (notamment l’Eure, l’Eure-et-Loire, le Gard, la Haute-Garonne, le Rhône, la Haute-Savoie ou la Haute-Vienne). D’autant que dans six mois auront lieu les élections départementales, où l’isolement du PS lui coûtera très cher, vu le mode de scrutin qu’il a adopté. Mais on en reparlera.