Les propos de Nicolas Sarkozy, qui a évoqué “la chienlit” et “le délitement de l’Etat” concernant notamment le conflit social à Air France, ont suscité de vives réactions de François Hollande et de Manuel Valls.
Air France était au cœur ce mardi des débats au plus haut sommet de l’État. Des déclarations de Nicolas Sarkozy, ce mardi, sur les incidents de lundi à Air France ont enflammé la classe politique française. En cause: son évocation de la “chienlit” et du “délitement de l’État”. Manuel Valls, François Hollande et Marylise Lebranchu lui ont répondu tour à tour dans la journée.
“Plus rien n’est respecté”
“Nous ne sommes pas en 1793. Nous ne pouvons pas accepter que deux dirigeants soient au bord de se faire lyncher par des hommes en tenue de syndicaliste, avec des syndicats qui ont pignon sur rue et qui ont tous appelé à voter pour François Hollande en 2012″, s’est emporté l’ancien chef de l’État lors de la réunion du groupe Les Républicains à l’Assemblée.
“Plus rien n’est respecté, rien ne semble plus respectable”, a dénoncé Nicolas Sarkozy, évoquant pêle-mêle le conflit social à Air France, le mouvement de grève des médecins, ainsi que la fusillade au cours de laquelle un policier a été grièvement blessé en Seine-Saint-Denis. Le président de Les Républicains a aussi abordé la crise de l’élevage: “Les cours s’effondrent et que fait le gouvernement?”.
“C’est la chienlit, c’est le délitement de l’État”, a résumé l’ex-chef de l’État, en faisant référence à la célèbre phrase attribuée au général De Gaulle lors des manifestations de mai 1968.
La chienlit, “un mot dangereux”
Des propos qui n’étaient pas du tout du goût du président de la République et du Premier ministre. Manuel Valls a réagi le premier lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre a déploré l’utilisation de ce mot, y voyant une attaque contre les corps intermédiaires.
“La chienlit, […] la remise en cause permanente des corps intermédiaires, des syndicats, de l’indépendance de la justice, de ce qui fonde même la démocratie, ce mot chienlit, l’expression qui a été aussi la vôtre, comme celle de Nicolas Sarkozy, sont des mots dangereux”, a dit le Premier ministre.
Par ailleurs, Manuel Valls n’a pas hésité à fustiger “l’oeuvre de voyous”, concernant les agressions dont ont été victimes Xavier Broseta, DRH de la compagnie, et Pierre Plissonnier, DRH du long-courrier en marge du comité central d’entreprise lundi. “Il faudra des sanctions lourdes à l’égard de ceux qui se sont livrés à de tels actes”, a-t-il dit.
Une stigmatisation des syndicats
Le président de la République a estimé que les “actes inqualifiables” commis contre des membres de la direction de la compagnie aérienne ne devaient pas “discréditer les syndicalistes mais discréditer les auteurs, ce qui est très différent”.
“Et moi, je ne m’en prendrai jamais aux – corps- intermédiaires, aux corps sociaux, à ceux qui ont vocation à représenter justement les salariés, les employeurs, parce qu’il faut avoir des interlocuteurs, parce que l’État ne peut pas décider de tout”, a-t-il lancé lors d’un discours à la Mutualité, pour le 70e anniversaire de la sécurité sociale. “Si on les discrédite, si on les stigmatise, si on les écarte mais quel sera le fondement même de ce que nous pouvons faire au nom de l’intérêt général, de la République française!” s’est exclamé le chef de l’État.
Un jeu dangereux pour Marylise Lebranchu
Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, a à son tour critiqué sur Public Sénat l’utilisation du mot “chienlit” par Nicolas Sarkozy, jugeant qu’il s’agissait “quasi d’un appel à la rue”. “La ‘chienlit’ c’est un mot dont on se souvient quand on lit son histoire ou quand on l’a vécue, c’est tout le monde dans la rue, plus d’autorité, plus rien”, a-t-elle dit lors de l’émission Preuves par trois.
“Vous dites aux Français: ça y est, depuis Air France tout le monde est dans la rue, il n’y a plus de corps intermédiaires… allez-y si vous voulez revendiquer, courez dehors et revendiquez”, a-t-il expliqué, avant d’ajouter: “Quand on est un ancien président de la République, et qu’on aspire peut-être, il semble, à le redevenir, il faut être extrêmement attentif aux mots qu’on emploie”.