A l’occasion des dix ans de la mort de Zyed et Bouna, point de départ de plusieurs jours d’émeutes en banlieue, Manuel Valls a annoncé des mesures d’aide pour ces quartiers. Stéphane Beaudet, maire de Courcouronnes en Essonne, réagit à ce plan pour L’Express.
Stéphane Beaudet est maire Les Républicains de Courcouronnes, en Essonne, depuis 2001. Vice-président de l’association des maires Ville & banlieue, il connaît parfaitement la vie et les problèmes des quartiers périphériques. Dix ans après les émeutes -qui ont secoué de nombreuses villes françaises dont la sienne-, l’élu de droite réagit aux annonces de Manuel Valls pour améliorer la situation dans les banlieues.
Depuis les émeutes de 2005, la situation s’est-elle améliorée dans votre commune ?
Si l’on s’en tient au problème de la sécurité, j’ai le sentiment que les violences sont en baisse. Mais les auteurs sont plus jeunes et passent plus facilement à l’acte. La violence s’est radicalisée. Un gros travail a été également fait en terme de rénovation urbaine. Cela a permis de désenclaver des quartiers, d’offrir du “beau” aux habitants.
En revanche, le trafic de stupéfiants ne recule pas. Les procédures judiciaires sont trop lourdes. Quand elles aboutissent, elles ne permettent pas de réaliser de grosses saisies. Sans parler de la paupérisation des quartiers. La délinquance diminue mais le chômage explose. Chaque année, je compte une augmentation de 20% du nombre d’inscrits aux Restos du cœur.
Manuel Valls annonce la mise en place de délégués gouvernementaux pour s’occuper de quartiers très précis. Etes-vous candidat pour en obtenir un ?
Mais c’est quoi un délégué gouvernemental ? A Courcouronnes, nous avons un délégué du préfet. Il représente déjà l’Etat dans la commune. Manuel Valls veut marquer le coup pour les 10 ans des émeutes. Je le comprends. Si nous, la droite, étions au pouvoir, nous aurions fait la même chose.
Il faut prendre conscience de nos difficultés et déterminer l’objectif que l’on vise. On veut faire de la mixité sociale ? Alors faisons-la. Au contraire, on réalise que la mixité est un mythe et il faut assumer qu’en France, il existe des quartiers sas dans lesquels les gens ne font que passer. A Courcouronnes, par exemple, je suis comme un médecin dont la salle d’attente ne désemplit pas. Dès qu’une famille parvient à quitter le parc de logements sociaux, il part dans un autre quartier. Et d’autres habitants plus pauvres prennent sa place.
Que demandez-vous à l’Etat ? De l’argent ? Plus de pouvoirs au maire ?
Aujourd’hui, en terme d’aides sociales, je n’ai aucun pouvoir. C’est le rôle des conseils départementaux. Je ne peux que colmater les brèches. Les moyens financiers fondent. A Courcouronnes, trois médecins sont récemment partis, trois partiront dans les prochaines années. Je fais quoi ? J’ai claqué 2 millions d’euros du budget municipal pour construire une maison de santé alors que ce n’est pas de ma compétence. Les maires se démerdent avec le peu de moyens dont ils disposent. Chômage, pouvoir d’achat, transports, identité… On ne met que des rustines.
Existe-t-il une politique de droite et une de gauche dans les banlieues ?
Dans la gestion quotidienne, il y a de moins en moins de différences entre la droite et la gauche. J’ai été élu maire de Courcouronnes la même année que Manuel Valls à Evry. Nous avons travaillé main dans la main. A l’inverse, il y a des élus de droite comme de gauche qui font du clientélisme ou qui continuent de construire des logements sociaux pour toucher les subventions de la Région. Certaines communes comptent 60% ou plus de logements sociaux, c’est criminel.