En s’attaquant au désherbant Roundup et à la pâte à tartiner Nutella, la ministre de l’Ecologie enchaîne les coups de com’ dont elle a le secret, sans délaisser les sujets de fond pour autant.
“Pendant des années, je n’ai pas pris la parole”, confie Ségolène Royal au psychanalyste Gérard Miller dans le documentaire qu’il lui a consacré, diffusé lundi soir sur France 3. “Et un jour, je me suis mise à parler”, poursuit-elle. Depuis, la ministre de l’Ecologie n’arrête plus, quitte à mener des combats déconcertants, comme ses récentes croisades médiatiques contre Roundup ou Nutella.
Mais pourquoi s’attaquer à un désherbant et une pâte à tartiner quand on est chargée de préparer la conférence mondiale sur le changement climatique COP21, cruciale, qui se tient à Paris à la fin de l’année? “Au contraire, elle a tout compris, c’est comme ça qu’un politique peut exister aujourd’hui”, commente Emmanuel Rivière, directeur du pôle politique de TNS Sofres.
“Elle comble le vide par des coups de com’ qui ne l’empêchent pas de travailler sur le fond”, ajoute-t-il. Après tout, ces sujets, bien que tournés en dérision par ses détracteurs, sont au coeur de son portefeuille: les pesticides ou la déforestation ne sont pas des dossiers à balayer du revers de la main. “Elle doit trouver des axes, alors que l’écologie régresse dans les préoccupations des Français. La COP21? Elle ne lui offre pas de visibilité et elle n’en maîtrise pas l’issue.” Petit test: avez-vous retenu ce qu’elle a dit à Montréal, début juin, en amont de ce rendez-vous mondial? (*)
“Out of the box” et proche des Français
“Son but est donc de montrer aux Français que la politique peut encore mener des actions aux effets immédiats.” Ajoutez des marques lourdes de sens comme Monsanto, “un peu de scénarisation et des éléments facilement mémorisables”… Et voici “du Ségolène Royal tout craché!”, résume Emmanuel Rivière. La numéro 3 du gouvernement de Manuel Valls aime être “out of the box”. Elle en joue. Et tant pis si cela passe pour une “bourde”, y compris dans son propre camp, raconte-t-elle dans le documentaire intitulé Ségolène Royal, la femme qui n’était pas un homme.
Elle a une certaine “capacité à ne pas avoir peur du ridicule”, commente Libération. “Quitte à en faire trop” comme lorsqu’elle promeut le Chabichou de sa région en costume folklorique, ou lorsqu’elle fait la pub de la Mia Electric, là encore issue du Poitou-Charentes, au moindre de ses déplacements. “Rarement là où on l’attend”, elle a même zappé le congrès du PS sur sa terre d’élection début juin… pour monter à bord de L’Hermione (construite dans sa région) à son arrivée à Yorktown, aux Etats-Unis.
Un discours et un dîner de gala en Virginie, pour célébrer l’arrivée de L’Hermione aux Etats-Unis… plutôt qu’un congrès du PS houleux à Poitiers. Ségolène Royal a fait son choix, début juin.
En s’éloignant des déchirements du PS et en s’emparant de sujets décalés mais concrets, Ségolène Royal s’invite aussi aux discussions du petit-déjeuner après s’être incrustée dans les débats au coin des feux de cheminée cet hiver. Jouer la carte de la proximité avec la vie quotidienne des Français et leur porte-monnaie, tel est aussi son but quand elle s’insurge contre “l’écologie punitive” liée notamment à la circulation automobile (péages, circulation alternée….
Son image se dégrade depuis des mois
Le message ne passe pas à tous les coups. Le système de vignettes de couleur qu’elle a fini par annoncer pour début 2016 est d’ailleurs mal passé dans l’opinion. Pour 72% des personnes interrogées dans un sondage Odoxa pour Le Parisien début juin, la mesure ne permettra pas de “lutter efficacement contre la pollution” et 76% trouvent injuste d’avantager les voitures récentes “parce que cela avantage les Français les plus riches qui ont les moyens d’acheter” ces véhicules.
Et si la cote de Ségolène Royal reste correcte, avec 41% de bonnes opinions sur sa personne et 44% sur son action en tant que ministre, son image si soigneusement cultivée se dégrade. Les Français la jugent ambitieuse (80%), la jouant trop perso et autoritaire (62%), impulsive (55%), arriviste (54%) et arrogante (49%). Ils la perçoivent aussi comme courageuse (57%) et dynamique (56%). Mais peu proche des gens (35%) malgré ses efforts.
Ses récentes sorties contre Roundup et Nutella seraient-elles le signe qu’elle est bien décidée à ne pas subir la malédiction du ministère de l’Ecologie? Quitte à semer son équipe qui n’a “découvert” son “coup” sur Roundup que lors de son annonce à la télévision, d’après Metronews. Singulière et différente, Ségolène Royal ne semble pas prête à rentrer “dans la boîte”.
(*) Séance de rattrapage: “Le laisser-faire climatique est un non sens économique”, a lancé Ségolène Royal à l’ouverture de la 21e Conférence de Montréal, forum économique et financier qui réunit plusieurs centaines de décideurs jusqu’à jeudi dans la métropole québécoise. “L’inaction coûte et coûtera de plus en plus cher. (… Relever le défi climatique est une chance à saisir” en termes d’innovation, de créations d’emplois et d’autres opportunités, et non “pas une contrainte à subir”, a-t-elle insisté, fidèle à sa ligne habituelle.